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Discrimination à l’embauche en raison de l’orientation sexuelle
Embauché en qualité de coiffeur par contrat à durée indéterminée assorti d’une période d’essai de deux mois, un salarié, absent une journée pour maladie, a reçu, par erreur, un Sms provenant de sa supérieure hiérarchique indiquant : « Je ne garde pas [le salarié]. Je ne le sens pas ce mec. C’est un PD, ils font tous des coups de p… »
Le lendemain, soit près d’un mois après le début de son activité professionnelle, le salarié se voit notifier la rupture de sa période d’essai. Le salarié saisit le Défenseur des droits (Ddd) et le conseil de prud’hommes (Cph). Le Ddd estime que cette rupture constitue une discrimination liée à l’orientation sexuelle, l’employeur n’apportant pas d’éléments permettant de justifier des éléments objectifs de cette décision et décide de présenter ses observations devant le Cph (décision Mld-2015-195 du 24 juillet 2015).
Le Cph ne suit pas les observations du Défenseur des droits. Le juge prud’homal considère :
• que « dans le contexte du milieu de la coiffure », « le terme de “PD” employé par le manager ne peut être retenu comme propos homophobe car il est reconnu que les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles (…) » ;
• que pour un salarié « le fait qu’il ait été traité de “PD” constitue… une injure qui lui occasionne un préjudice moral » qui doit être indemnisé par l’employeur par 5 000 euros de dommages-intérêts (Cph Paris, commerce, chambre 4, 16 décembre 2015).
Ce jugement est frappé d’appel.
Discrimination dans l’emploi en raison de la nationalité
La différence de traitement (rémunération, formation professionnelle, carrière, etc.) aux dépens de salariés marocains ne pouvant être embauchés dans le « cadre permanent » de la Sncf en raison de conditions de nationalité a été condamnée : « discrimination dans l’exécution du contrat de travail » et « discrimination dans les droits à retraite » (Cph Paris, commerce, chambre 5, départage, 21 septembre 2015). Ce jugement est frappé d’appel.
Discrimination en raison des convictions religieuses
En application du principe de laïcité : * Dans les entreprises privées, la liberté religieuse est le principe. Des exceptions sont prévues : un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (juge de Luxembourg) est attendu pour la fin de l’année 2016 ou le début de l’année 2017 dans une affaire concernant le licencie- ment causé par la tenue vestimentaire, dans une entreprise privée commerciale, d’une salariée ingénieure d’études portant un voile islamique lors de ses déplacements chez des clients (Cjue, A. B. et Addh c/ société Micropole Univers, n° C-188/15). *
Dans le secteur public, la neutralité est le principe. La Cour européenne des droits de l’homme (juge de Strasbourg) confirme que l’obligation de neutralité qui s’impose à l’ensemble des agents publics est conforme à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans une affaire de non-renouvellement d’un contrat d’assistante sociale, agent contractuel de la fonction publique hospitalière, refusant d’enlever le voile qu’elle porte dans son activité professionnelle (Cedh, 5e section, Affaire Mme C. E. c/ France, requête n° 64846/11).
Discrimination par harcèlement
Selon une jurisprudence constante, des faits peuvent permettre de présumer l’existence d’un harcèlement. Il en est ainsi par exemple dans une affaire : « La modification des horaires de travail, l’avertissement du 28 mars 2011, l’altercation avec son supérieur hiérarchique, le refus de congés payés, l’absence de convocation aux réunions des délégués du personnel et les sommes prélevées sur les salaires des mois de novembre et décembre 2012. »
Il convient de ne pas procéder à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié. Il appartient au juge de dire si, « pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont la dégradation de l’état de santé du salarié, attestée par les certificats médicaux, laissaient présumer l’existence d’un harcèle- ment » et « dans l’affirmative, d’apprécier les éléments de preuve fournis par l’employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement » (Cour de cassation, chambre sociale, 2 juin 2016, société Blf Impression).
Il est préférable de choisir le terrain de la discrimination (discrimination par harcèlement ou harcèlement discriminatoire) plutôt que le terrain du « harcèlement moral », la personne étant harcelée en lien avec un critère de discrimination (sexe, origine, activités syndicales, orientation sexuelle, etc.) donc faisant l’objet d’une discrimination.
Réparation intégrale des préjudices causés par la discrimination
« La réparation intégrale d’un dommage oblige à placer celui qui l’a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n’avait pas eu lieu.» Cette jurisprudence constante de la Cour de cassation, depuis 1954, s’applique en matière de discrimination. Ainsi, « le salarié, qui n’avait bénéficié d’aucune progression indiciaire depuis 1986, avait été victime d’une discrimination syndicale, ce dont il résultait qu’il était fondé à se voir reclasser dans le coefficient de rémunération qu’il aurait atteint en l’absence de discrimination » (Cour de cassation, chambre sociale, 2 juin 2016, société Vis Samar).
Bibliographie
Michel Miné, Droit des discriminations dans l’emploi et le travail, 2016 (juin), éditions Larcier, 850 pages.