Discriminations – Un droit en construction permanente

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Discriminations - Un droit en construction permanente
L’Onu a reconnu le 8 mars comme la « journée internationale des femmes », et le 21 mars comme la « journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale ».
 En matière de discrimination sexuelle (ou sexiste) et/ou de discrimination raciale,des salariés saisissent les juridictions et obtiennent réparation des préjudices. Quelques illustrations récentes. Michel CHAPUIS

 Discrimination liée au sexe (genre)

 

Déroulement de carrière

Un arrêt de cour d’appel condamne l’employeur à « repositionner la salariée au niveau cadre supérieur avec une rémunération fixée au premier coefficient de cette catégorie ». L’employeur est également condamné à « payer à la salariée des rappels de salaire et des primes applicables à la rémunération du premier coefficient de la grille de salaire statutaire pour le cadre supérieur au 1er janvier 2012 ainsi que certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour le préjudice économique, pour le préjudice moral et pour défaut de respect du  protocole interne d’égalité homme-femme ». Il est enfin condamné à « payer à chacun des syndicats certaines sommes pour préjudice moral de discrimination et pour défaut de respect des accords internes d’égalité homme-femme. »

En réponse au pourvoi de l’employeur, la Cour de cassation juge qu’« ayant constaté que tous les postes occupés par la salariée à compter du premier retour de congé maternité et parental en novembre 2000 avaient été moins importants que son premier poste, que les vacances intermédiaires de postes étaient avérées de même que des sous-activités et sous-emplois évoqués dans les entretiens annuels afférents aux années 2007 à 2009 et que les propositions de définition d’un nouveau périmètre de son poste puis d’un poste d’auditeur faites par l’employeur en 2010 et 2011 avaient été refusées car ne mettant pas un terme à la discrimination, et retenu qu’il était ainsi établi une discrimination liée au sexe et à la situation familiale qui s’était traduite par des sous-emplois et des sous-activités ayant compromis l’avancement de la salariée et le montant de ses salaires et primes, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inutiles, a légalement justifié sa décision. » (Cour de cassation, chambre sociale, 1er février 2017, Régie autonome des transports parisiens-Ratp ; les syndicats Ugict-Cgt-Ratp, Cfdt- Ratp sont intervenus volontairement dans la cause).

 

Retour de congé maternité

 

Pour rejeter les demandes d’une salariée au titre d’une discrimination, l’arrêt d’une cour d’appel retient que « s’agissant du retrait d’une partie significative de la clientèle, qui pourrait revêtir un tel caractère, l’employeur justifie par des éléments objectifs, tenant notamment au départ, pendant le congé de maternité, de sa col- lègue qui en assurait le suivi, son transfert à un autre collaborateur récemment recruté, la circonstance que ce dernier ait pu manœuvrer pour conserver la charge de cette clientèle en dépit du retour de l’intéressée, en n’étant pas imputable à l’employeur, ne peut laisser supposer de ce fait une discrimination, et que la circonstance que les conditions d’exercice des fonctions de la salariée aient été impactées par la perte d’une partie de son portefeuille et l’attribution de clients allemands, alors que son contrat de travail indique précisément qu’elle est affectée à une clientèle française, est certes de nature à justifier de sa part un refus d’une telle modification mais ne permet pas en soi de supposer qu’elle résulte d’une discrimination à son égard. »
En réponse au pourvoi de la salariée, la Cour de cassation juge « qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la salariée s’était vue, à son retour de congé de maternité, retirer une part significative de sa clientèle, élément laissant supposer l’existence d’une discrimination en raison de sa grossesse, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. » (Cour de cassation, chambre sociale, 28 septembre 2016, Mme X… c/la société Exane).

 

Discrimination sexiste homophobe

Un salarié après avoir gravi les échelons au sein d’une entreprise (banque) pour devenir responsable d’affaires, il a subi des discriminations à partir du moment où son orientation sexuelle a été connue. Il a quitté l’entreprise dans le cadre d’un plan de départ volontaire.

Le Défenseur des droits a considéré que le salarié réclamant a été victime d’une discrimination fondée sur son orientation sexuelle :
– d’un harcèlement discriminatoire (réception, sur sa messagerie professionnelle, de courriels, répétés dans le temps, à connotation sexuelle dans lesquels des responsables hiérarchiques et des collègues font référence à son homosexualité, assortis de moqueries et d’humiliations), d’une marginalisation au sein de l’équipe en charge de marchés financiers ;
– et d’une baisse arbitraire de sa rémunération (baisse non justifiée de sa rémunération fixe ; suppression non justifiée de sa rémunération variable en 2011 et en 2012).

Pour le Défenseur des droits, la rupture de son contrat de travail dans le cadre d’un plan de départs volontaires est nulle en raison du vice du consentement résultant de la situation de discrimination antérieure (décision MLD-2016-171 du 21 juin 2016). Le Défenseur des droits a présenté ses observations devant la Cour d’appel de Paris.

Concernant la discrimination, dans leur arrêt, les juges d’appel relèvent notamment que le salarié homosexuel a subi « des moqueries de la part de ses collègues qui imposent, au surplus, par leur comportement machiste et sexiste, un environnement de travail particulièrement oppressant » (« que promeut, au demeurant la Sa Bnp-Paribas en offrant à ses salariés des soirées dans des établissements de strip-tease ou offrant des prestations à caractère sexuel, selon ce qu’il ressort des attestations et documents produits aux débats »). En outre, « les messages électroniques litigieux, à caractère sexuel, qui sont répétés dans le temps, caractérisent un harcèlement à l’encontre de M. X. Les éléments d’ordre médical qu’il produit aux débats (augmentation anormale de son stress notamment) témoignent de la dégradation de son état de santé, nonobstant le fait qu’il ait été déclaré apte au service par le médecin du travail. » La cour sanctionne également la discrimination en matière de rémunération. La cour d’appel infirme le jugement
prud’homal de 2013 qui avait débouté le salarié de ses demandes.


Le salarié a obtenu :

– la nullité de la convention de rupture de son contrat de travail ;
– des rappels pour la rémunération non perçue (notamment pour la rémunération variable non perçue) et des dommages et intérêts (notamment 100 000 euros pour le préjudice moral) (cour d’appel de Paris, 22 septembre 2016, Bnp-Paribas).

 

Discrimination liée aux origines

 

Défaut de versement d’une prime.
Une salariée obtient la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination au regard de ses origines pour non-perception de la prime d’efficacité (Cour de cassation, chambre sociale, 3 février 2017, Mme X… c/l’Office public de l’habitat interdépartemental de l’Essonne, du Val-d’Oise et des Yvelines).

 

Deux lois innovantes

La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté complète le Code du travail par un article indiquant : « Dans toute entreprise employant au moins 300 salariés et dans toute entreprise spécialisée dans le recrutement, les employés chargés des missions de recrutement reçoivent une formation à la non-discrimination à l’embauche au moins une fois tous les cinq ans. » (Art. L. 1131-2).

À noter : le texte ne prévoit pas de décret d’application. Aucune disposition n’est fixée concernant le contenu de cette formation, son financement ou, par ailleurs, une sanction en cas de non-respect.
Concernant l’action de groupe, le Conseil constitutionnel a censuré la disposition prévoyant un fonds de participation au financement des actions de groupe (Décision du 26 janvier 2017).


La loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant d’autres dispositions en matière sociale et économique reformule certains critères de discrimination qu’il est interdit d’utiliser pour prendre une décision défavorable à l’encontre d’une personne.

Ainsi, une personne ne doit pas être traitée de manière défavorable du fait : de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d’autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée. Dans la loi du 28 février 2017, le terme « race » est remplacé par « prétendue race » ; le terme « identité de genre » remplace « identité sexuelle » ; la domiciliation bancaire est ajoutée au lieu de résidence ; les activités mutualistes de la personne discriminée ne sont plus mentionnées.

 

Bibliographie
• Michel Miné, Droit Des Discriminations Dans l’emploi et le travail, 2016, ÉdItIonS LarcIer (Coll. Paradigme), 852 P.
• Collectif confédéral femmes-Mixité, Gagner l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, Guide de la négociation, 2017.

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