Pour en savoir plus
Les principales dispositions législatives concernant cette nouvelle action de groupe contre les discriminations dans les entreprises sont les suivantes (articles 44 et 45 de la loi ; dispositions spécifiques à l’action de groupe : articles L. 1134-6 à L. 1134-10 nouveaux du Code du travail ; loi modifiée n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations) :
Champ d’application de l’action de groupe
Lorsque plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, subissent un dommage causé par une même personne (l’employeur), ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée en justice (tribunal de grande instance) au vu des cas individuels (salariés, candidats à un emploi ou à une formation) présentés par le demandeur (syndicat, association). L’action de groupe est engagée en faveur de candidats à un emploi, à un stage ou à une formation, ou de personnes employées dans des conditions de droit privé (salariés).
Objet de l’action de groupe
Cette action peut être exercée en vue :
– soit de la cessation du manquement (faire cesser la discrimination) ;
– soit, en cas de manquement, de l’engagement de la responsabilité de la personne (l’employeur) ayant causé le dommage afin d’obtenir la réparation des préjudices subis (à l’exception des préjudices moraux) ; seuls les préjudices autres que moraux nés après la réception de la mise en demeure peuvent être réparés (infra Procédure) ;
– soit de ces deux fins (article L. 1134-8 nouveau du Code du travail).
Acteurs ayant qualité pour agir
Peuvent exercer l’action de groupe les syndicats professionnels représentatifs (articles L. 1134-2, L. 2 122-1, L. 2 122-5 ou L. 2 122-9 du code du travail). Une organisation syndicale de salariés représentative (au niveau national interprofessionnel, au niveau de la branche ou au niveau de l’entreprise) peut agir devant une juridiction civile (tribunal de grande instance) afin d’établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l’objet d’une discrimination directe ou indirecte (telle que défi- nie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations) fondée sur un même motif (parmi ceux visés à l’article L. 1 132-1 du Code du travail) et imputable à une même personne (un employeur public ou privé) (article L. 1134-7 nouveau du Code du travail).
Peuvent également exercer cette action les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins, dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte (pour la lutte contre les discriminations). Lorsque l’action est dirigée contre un employeur, privé ou public, l’action de groupe des associations n’est ouverte qu’en faveur de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise (article L. 1134-7 nouveau du Code du travail).
Procédure : phase préalable
Préalablement à l’engagement de l’action de groupe, le syndicat ou l’association demandent à l’employeur, par tout moyen conférant date certaine à cette demande, de faire cesser la situation de discrimination collective (mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception). Dans un délai d’un mois à compter de cette demande, l’employeur informe le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. À la demande du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, ou à la demande d’une organisation syndicale représentative, l’employeur engage une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.
L’auteur de la demande (le syndicat ou l’association) peut exercer l’action de groupe lorsque, dans un délai de six mois à compter de cette demande, l’employeur n’a pas pris les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective en cause (article L. 1134-9 nouveau du Code du travail).
Procédure : phase contentieuse, cessation du manquement.
Lorsque l’action tend à la cessation du manquement, le juge (TGI), s’il constate l’existence d’un manquement, enjoint au défendeur (l’employeur) de faire cesser ledit manquement et de prendre, dans un délai qu’il fixe, toutes les mesures utiles à cette fin, au besoin avec l’aide d’un tiers qu’il désigne.
Lorsque le juge prononce une astreinte (pour obliger l’employeur à appliquer la décision de justice), celle-ci est liquidée au profit du Trésor public.
Procédure : phase contentieuse, réparation du manquement
Lorsque l’action tend à la réparation des préjudices subis, le juge (TGI) statue sur la responsabilité du défendeur (l’employeur).
Le tribunal de grande instance connaît des demandes en réparation de la discrimination auxquelles l’employeur n’a pas fait droit. Seuls les préjudices autres que moraux nés après la réception de la demande (mise en demeure) peuvent être réparés (article L. 1134-10 nouveau du Code du travail).
Le juge (TGI) définit le groupe de per- sonnes à l’égard desquelles la responsabilité du défendeur est engagée en fixant les critères de rattachement au groupe et détermine les préjudices susceptibles d’être réparés pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini. Il fixe également le délai dans lequel les personnes (salariés, candidats à un emploi ou à une formation) remplissant les critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement sur la responsabilité, peuvent adhérer au groupe en vue d’obtenir réparation de leur préjudice.
Le juge (TGI) qui reconnaît la responsabilité du défendeur ordonne, à la charge de ce dernier, les mesures de publicité adaptées pour informer de cette décision les personnes (salariés, candidats à un emploi ou à une formation) susceptibles d’avoir subi un dommage causé par le fait générateur constaté.
Lorsque le demandeur à l’action (syndicat, association) le demande et que les éléments produits ainsi que la nature des préjudices permettent la mise en œuvre d’une procédure collective de liquidation des préjudices, le juge (TGI) détermine, dans le même jugement, le montant ou tous les éléments permettant l’évaluation des préjudices susceptibles d’être réparés pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini. Il fixe également les délais et modalités selon lesquels cette réparation doit intervenir.
Dans les délais et conditions fixés par le jugement, les personnes (salariés, candidats à un emploi ou à une formation) souhaitant adhérer au groupe adressent une demande de réparation soit à la personne déclarée responsable par ce jugement, soit au demandeur à l’action (syndicat, association) qui reçoit ainsi mandat aux fins d’indemnisation.
Ce mandat ne vaut ni n’implique adhésion au demandeur à l’action. Il vaut mandat aux fins de représentation pour l’exercice de l’action en justice et, le cas échéant, pour l’exécution forcée du jugement prononcé à l’issue.
La personne déclarée responsable (l’employeur) par le jugement procède à l’indemnisation individuelle des préjudices résultant du fait générateur de responsabilité reconnu par le jugement et subis par les personnes remplissant les critères de rattachement au groupe et ayant adhéré à celui-ci.
Procédure : phase contentieuse, réparation complémentaire du manquement
L’adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d’agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices n’entrant pas dans le champ défini par le jugement. Ainsi, dans certains cas (absence de réparation intégrale des préjudices par l’employeur), les personnes discriminées (salariés, candidats à un emploi ou à une formation) devront, après cette action de groupe menée par le syndicat ou l’association devant le tribunal de grande instance, mener une seconde action devant le juge du contrat (conseil de prud’hommes) pour obtenir la réparation intégrale des préjudices individuels subis du fait de la discrimination (cette seconde action peut être menée par le syndicat ou l’association sur le fondement de leur pouvoir de substitution). L’action de groupe suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant du fait générateur de responsabilité constaté par le jugement. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où le jugement n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation.
Bibliographie
• Michel Miné,
Droit Des Discriminations dans l’emploi et le travail, Larmier, 852 pages, 2016.
Lire en particulier les pages 739 à 745 (§§ 1615-1619).
Des parlementaires ont formé, contre ce texte, un recours devant le Conseil constitutionnel. A l’heure où nous mettons sous presse, la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-739 DC [Justice du XXIe siècle] n’a pas encore été rendue.
Recours des députés : « Sur l’inconstitutionnalité de la procédure de l’action de groupe », à retrouver sur www.deputes-les-republicains.fr
Recours des sénateurs : « Sur les articles relatifs à la création d’un dispositif procédural, dit “socle commun” aux actions de groupe », à retrouver sur www.actuel-rh.fr