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Edoardo MARQUÈS
L’article 1er du décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l’État prévoit que « tout fonctionnaire de l’État en activité a droit, dans les conditions et sous les réserves précisées aux articles ci-après, pour une année de service accompli du 1er janvier au 31 décembre, à un congé annuel d’une durée égale à cinq fois ses obligations hebdomadaires de service ». Aux termes de l’article 5 du même décret, « le congé dû pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l’année suivante, sauf autorisation exceptionnelle donnée par le chef de service. Un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice ».
À noter que les mêmes dispositions se trouvent dans le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985, relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux et dans le décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002, relatif aux congés annuels des agents de la fonction publique hospitalière.
Pour le Conseil d’État, saisi pour avis juridictionnel (1) « ces dispositions réglementaires, qui ne prévoient le report des congés non pris au cours d’une année de service qu’à titre exceptionnel, sans réserver le cas des agents qui ont été dans l’impossibilité de prendre leurs congés annuels en raison d’un congé de maladie, sont, dans cette mesure, incompatibles avec les dispositions de l’article 7 de la directive [2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 relative à certains aspects de l’aménagement du temps de travail] et, par suite, illégales ».
L’article 7 précité dispose :
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.
2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail ».
Un droit pas illimité dans le temps
Or, selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (2), ces dispositions font obstacle à ce que le droit au congé annuel payé qu’un travailleur n’a pas pu exercer pendant une certaine période parce qu’il était placé en congé de maladie pendant tout ou partie de cette période s’éteigne à l’expiration de celle-ci. Le droit au report des congés annuels non exercés pour ce motif n’est toutefois pas illimité dans le temps. Si, selon la Cour, la durée de la période de report doit dépasser substantiellement celle de la période au cours de laquelle le droit peut être exercé, pour permettre à l’agent d’exercer effectivement son droit à congé sans perturber le fonctionnement du service, la finalité même du droit au congé annuel payé, qui est de bénéficier d’un temps de repos ainsi que d’un temps de détente et de loisirs, s’oppose à ce qu’un travailleur en incapacité de travail durant plusieurs années consécutives, puisse avoir le droit de cumuler de manière illimitée des droits au congé annuel payé acquis durant cette période.
Aussi, le Conseil d’État précise-t-il qu’« en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant ainsi une période de report des congés payés qu’un agent s’est trouvé, du fait d’un congé maladie, dans l’impossibilité de prendre au cours d’une année civile donnée, le juge peut en principe considérer, afin d’assurer le respect des dispositions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, que ces congés peuvent être pris au cours d’une période de quinze mois après le terme de cette année. La Cour de Justice de l’Union européenne a en effet jugé, dans son arrêt C-214/10 du 22 novembre 2011, qu’une telle durée de quinze mois, substantielle- ment supérieure à la durée de la période annuelle au cours de laquelle le droit peut être exercé, est compatible avec les dispositions de l’article 7 de la directive. Toutefois ce droit au report s’exerce, en l’absence de dispositions, sur ce point également, dans le droit national, dans la limite de quatre semaines prévue par cet article 7 ».
(1) avis du Conseil d’état du 26 avril 2017, n° 406009, publié au Jo du 28 avril 2017 ;
(2) arrêt C-214/10 du 22 novembre 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne.