Accords d’entreprise – Jurisprudence sur la révision

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Accords d’entreprise - Jurisprudence sur la révision
Les nouvelles règles sur la représentativité syndicale ont donné lieu à une jurisprudence concernant la révision des accords d’entreprise.
 Un arrêt en Cour de cassation a déterminé quels syndicats peuvent participer à une négociation de révision d’un accord d’entreprise et signer le texte de révision en conformité avec les nouvelles dispositions légales applicables (la loi du 29 mars 2018 de ratification des ordonnances). Michel CHAPUIS

Un accord collectif sur le droit syndical a été signé entre la société Hurel-Hispano/ société Aircelle et les organisations syndicales Cfe-Cgc, Cgt et Cgt-Fo.
Après annulation par le tribunal de grande instance pour défaut d’appel à la négociation de l’accord de révision signé le 21 décembre 2011 par la société et les organisations syndicales représentatives Cfe-Cgc et Cftc, un nouvel accord de révision a été signé le 6 juin 2013 entre la société et les mêmes organisations syndicales, la Cftc ayant adhéré à l’accord initial.

 

Procédure de l’affaire

Le syndicat Cgt Aircelle a fait assigner en référé la société devant le président du tribunal de grande instance en suspension de la mise en œuvre et de l’application des dispositions de l’accord de révision du 6 juin 2013, invoquant le trouble manifestement illicite constitué notamment par l’absence de consentement de l’ensemble des syndicats signataires de l’accord initial à l’engagement de la révision. Débouté par la cour d’appel, le syndicat forme un pourvoi en cassation.

 

Arguments du syndicat

Principalement, en constatant que le syndicat Cgt-Fo, signataire de l’accord initial du 29 avril 2003, n’avait pas été convoqué aux réunions de négociation de 2012 et 2013 et en décidant néanmoins que la preuve d’un trouble manifestement illicite tenant au défaut de consentement des signataires de l’accord initial pour engager le processus de révision de celui- ci n’était pas rapportée, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 2261-7 et R. 1455-6 du Code du travail.

Subsidiairement, en constatant que le syndicat Cgt-Fo, signataire de l’accord initial du 29 avril 2003, n’avait pas été convoqué aux réunions de négociation de 2012 et 2013 et en décidant néanmoins que la preuve d’un trouble manifestement illicite tenant au défaut de consentement des signataires de l’accord initial pour engager le processus de révision de celui-ci n’était pas rapportée, aux motifs inopérants que ce syndicat avait perdu sa qualité d’organisation syndicale de salariés représentative au sein de la société Aircelle, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 2261-7 et R. 1455-6 du Code du travail.


Arrêt de la Cour de cassation

D’abord, l’évolution des conditions d’acquisition par une organisation syndicale de la représentativité telle qu’elle résulte de la loi n° 789-2008 du 20 août 2008 conduit à apprécier différemment les conditions mises à la révision d’un accord collectif d’entreprise.
Ensuite, aux termes de l’article L. 2261-7 du Code du travail, dans sa rédaction alors applicable, les organisations syndicales de salariés représentatives, signataires d’une convention ou d’un accord ou qui y ont adhéré conformément aux dispositions de l’article L. 2261-3, sont seules habilitées à signer les avenants portant révision de cette convention ou de cet accord.

Il en résulte que « l’organisation syndicale de salariés qui, signataire d’un accord d’entreprise, n’est plus représentative pour la durée du cycle électoral au cours duquel la révision d’un accord d’entreprise est proposée, ne peut s’opposer à la négociation d’un tel accord ».
Ayant constaté que le syndicat Cgt-Fo avait perdu sa représentativité pour le cycle électoral au cours duquel les négociations de l’accord de révision ont eu lieu, la cour d’appel en a déduit à juste titre l’absence de trouble manifestement illicite justifiant la suspension de l’accord de révision.
S’ensuit un arrêt de la Court de cassation du 21 septembre 2017, classé Pbri c’est-à- dire publié au Rapport annuel des arrêts les plus importants de l’année et figurant sur le site internet de la Cour.

 

Enseignement juridique de l’arrêt

Pour la Cour de cassation, « cet arrêt important marque la volonté de la chambre sociale de tirer les conséquences, en matière de négociation collective, du bouleversement opéré par la loi n° 789- 2008 du 20 août 2008 en ce qui concerne le mode d’acquisition de la représentativité syndicale. […] Le renversement complet des perspectives par la loi du 20 août 2008 conduit la chambre sociale à estimer qu’il faut désormais tirer les conséquences de la nouvelle légitimité démocratique reconnue aux syndicats en entreprise, remise en cause tous les quatre ans. C’est ainsi qu’elle juge, par l’arrêt du 21 septembre 2017, que seuls les syndicats signataires qui sont encore représentatifs lors du cycle électoral au cours duquel est proposée la révision de l’accord collectif peuvent s’y opposer. »

 

Nouvelles dispositions légales applicables

Sont habilitées à engager la procédure de révision d’une convention ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement (L. 2261-7-1) :
• jusqu’à la fin du cycle électoral au cours duquel cette convention ou cet accord a été conclu, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise et signataires ou adhérentes de cette convention ou de cet accord ;
• à l’issue de cette période, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise.
Après chaque nouvelle élection professionnelle dans l’entreprise (à la fin de chaque cycle électoral), la procédure de révision est ouverte à tous les syndicats représentatifs, y compris à ceux n’ayant pas signé l’accord initial.

Bibliographie
Michel Miné, Le Grand Livre du droit du travail en pratique, Eyrolles, février 2018, 29e édition, 760 pages.

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