Accords d’entreprise : Limites à la capacité de négociation pour un syndicat catégoriel

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Accords d’entreprise : Limites à la capacité de négociation pour un syndicat catégoriel
Un syndicat représentant une seule catégorie de salariés ne peut négocier et signer seul un accord d’entreprise concernant l’ensemble du personnel, même si son audience électorale
 sur l’ensemble des collèges électoraux est supérieure à 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise. Michel CHAPUIS

Les faits.

Le 4 janvier 2010, était signé un accord sur l’emploi des seniors entre la société Yara France et le Syndicat national des cadres des industries chimiques Cfe-Cgc. La Fédération nationale des industries chimiques Cgt soutenant qu’il s’agissait d’un accord intercatégoriel et que le syndicat Cfe-Cgc ne pouvait valablement le signer seul a saisi le tribunal de grande instance pour demander l’annulation de cet accord.

La procédure.

En appel, le juge annule l’accord d’entreprise. La société, le syndicat et la fédération Cfe-Cgc de la chimie contestent cette décision (pourvoi en cassation).
Leurs principaux arguments sont les suivants :

– est valable l’accord collectif d’entreprise conclu par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel ; un syndicat représentatif catégoriel peut conclure, même seul, un accord d’entreprise intéressant l’ensemble du personnel, dès lors qu’il démontre que, compte tenu des suffrages recueillis au cours des dernières élections, il remplit, tous collèges confondus, les règles de majorité subordonnant la validité de l’accord ; en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la Cfe-Cgc avait recueilli, lors du premier tour des élections du comité d’entreprise de la société Yara, 35 % des suffrages tous collèges confondus ; la cour d’appel a néanmoins retenu, pour décider que l’accord collectif d’entreprise relatifs aux seniors signé par la seule Cfe-Cgc était entaché de nullité, que, compte tenu de ses statuts, cette organisation syndicale représentative n’avait pas la capacité juridique de signer seule un accord collectif intéressant toutes les catégories de salariés ; en statuant ainsi, quand la Cfe-Cgc disposait d’une capacité d’engagement des salariés relevant du champ d’application de l’accord à hauteur de 30 % des suffrages exprimés lors des élections professionnelles tous collèges confondus, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ces constatations et violé les articles L. 2232-12 et L. 2232-13 du Code du travail ;

– un syndicat représentatif catégoriel peut, dès lors qu’il établit sa représentativité au sein de toutes les catégories de personnel et a recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, signer seul un accord d’entreprise intéressant l’ensemble du personnel ; la cour d’appel a constaté que le syndicat Cfe-Cgc avait recueilli 35 % des suffrages exprimés, tous collèges confondus, lors des dernières élections des membres du comité d’entreprise et que sa représentativité dans l’entreprise était indéniable ; en jugeant cependant qu’il ne pouvait signer seul un accord d’entreprise intercatégoriel, la cour d’appel a violé les articles L. 2232-12 et L. 2232-13 du Code du travail, ensemble les alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et les articles 11 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– la représentativité reconnue à une organisation syndicale catégorielle affiliée à une confédération syndicale catégorielle au titre des salariés qu’elle a statutairement vocation à représenter lui confère le droit de négocier toute disposition applicable à cette catégorie de salariés ; à supposer qu’un syndicat représentatif catégoriel ne puisse, même lorsqu’il est représentatif au sein de toutes les catégories de personnel et a recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections, signer seul un accord d’entreprise intéressant l’ensemble du personnel, cet accord n’est cependant pas nul mais seulement inapplicable aux catégories de personnel non visées par les statuts du syndicat catégoriel ; en déclarant nul l’accord en faveur de l’emploi des seniors, la cour d’appel a violé l’article L. 2232-13, alinéa 1er, du Code du travail.

La solution.

(Soc. 2 juillet 2014, société Yara France et Syndicat national des cadres des industries chimiques et fédération Cfe-Cgc de la chimie c/ Fédération nationale des industries chimiques CGT, n° 13-14622 et 13-14662).

1) « La cour d’appel a retenu à bon droit qu’en application du principe de spécialité, un syndicat représentatif catégoriel ne peut négocier et signer seul un accord d’entreprise intéressant l’ensemble du personnel, quand bien même son audience électorale, rapportée à l’ensemble des collèges électoraux, est supérieure à 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel.» La Cfe-Cgc ne peut signer seul un accord d’entreprise s’appliquant à tous les salariés (elle peut signer avec des syndicats intercatégoriels des accords d’entreprise concernant l’ensemble des salariés).

2) « Les syndicats représentatifs catégoriels ne se trouvent pas dans la même situation que les syndicats représentatifs intercatégoriels, tant au regard des conditions d’acquisition de leur représentativité que de leur capacité statutaire à participer à la négociation collective. » La Cfe-Cgc n’est pas dans la même situation que les syndicats intercatégoriels (cf. les statuts des syndicats concernant les salariés qu’ils défendent).

Le juge rejette les pourvois et confirme ainsi la nullité de l’accord d’entreprise, et il condamne le Syndicat national des cadres des industries chimiques et la fédération Cfe-Cgc et la société Yara France aux dépens et à payer 3 000 euros à la Fédération nationale des industries chimiques Cgt.

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