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Clauses conventionnelles prévoyant des différences catégorielles
Dans cette affaire, la Fédération nationale des personnels des sociétés d’études, de conseil et de prévention Cgt a saisi le juge de demandes tendant :
– à dire nulles, comme contraires à la règle d’égalité, des dispositions de la Convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs- conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec (les articles 15, 19, 37, 43, 59 et 70), instaurant des avantages de niveaux différents pour la catégorie des ingénieurs et cadres et pour celle des employés, techniciens et agents de maîtrise, en l’absence de raisons objectives et pertinentes ;
– à ce que soit ordonné aux organisations patronales signataires de convoquer les organisations syndicales intéressées en vue de mettre en conformité ladite convention avec la règle d’égalité de traitement. Pour la chambre sociale de la Cour de cassation (arrêt du 27 janvier 2015, Fédération nationale des personnels des sociétés d’études, du conseil et de prévention Cgt c/ Fédération des syndicats des sociétés d’études et de conseils ; deux autres arrêts allant dans le même sens sont rendus le même jour) ;
– «Les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées » ; il existe donc une présomption de justification des différences de traite- ment entre catégories professionnelles prévues par les conventions collectives (notamment dans les annexes catégorielles) ;
– « Il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle » ; d’une part, celui qui conteste la légitimité de ces différences catégorielles dans les conventions collectives doit en apporter la preuve, et, d’autre part, le motif pour démontrer l’absence de justification est limité au terrain professionnel.
Par conséquent, il sera beaucoup plus difficile de démontrer le caractère illicite de différences de traitement entre catégories prévues par des accords collectifs, de branche ou d’entreprise.
Clauses conventionnelles prévoyant des forfaits en jours
Ce revirement de jurisprudence a commencé avec un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation concernant une convention collective au regard de ses clauses sur le forfait en jours (arrêt du 17 décembre 2014, M. X. c/ la société Rothschild et Cie).
Dans cette affaire, l’accord d’aménagement et de réduction du temps de travail dans le secteur des banques du 29 mai 2001 prévoit que :
– le décompte des journées et demi-journées travaillées se fait sur la base d’un système auto-déclaratif ;
– l’organisation du travail de ces salariés devra faire l’objet d’un suivi régulier par la hiérarchie qui veillera notamment aux éventuelles surcharges de travail ;
– dans ce cas, il y aura lieu de procéder à une analyse de la situation, de prendre le cas échéant toutes dispositions adaptées pour respecter, en particulier, la durée minimale du repos quotidien et de ne pas dépasser le nombre de jours travaillés ;
– la charge de travail confiée et l’amplitude de la journée d’activité en résultant doivent permettre à chaque salarié de prendre obligatoirement le repos quotidien ;
– la durée minimale de ce repos est fixée légalement à onze heures prises d’une manière consécutive.
Un salarié remet en cause ces dispositions conventionnelles en matière de forfait en jours et obtient gain de cause devant la cour d’appel de Paris. L’arrêt retient que :
– l’avenant au contrat de travail du salarié mentionne que «l’organisation du travail du salarié fera l’objet d’un suivi régulier avec sa hiérarchie afin que la durée minimale de repos quotidien soit respectée et que le nombre de jours travaillés ne soit pas dépassé. En cas de surcharge de travail, M. X… devra informer dès que possible sa hiérarchie » ;
– il apparaît ainsi que ces dispositions contractuelles, prises en application de l’accord de branche, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps de travail de l’intéressé et donc à assurer la protection de la santé et de la sécurité du salarié ; – en effet, le système autodéclaratif qui tend en réalité à faire peser sur le salarié la garantie de son droit à la santé et au repos ne saurait être considéré comme licite puisqu’il appartient à l’employeur, seul, soumis à une obligation de sécurité de résultat de veiller à garantir le droit à la santé et au repos de ses salariés.
Mais la Cour de cassation considère que ces clauses conventionnelles :
– répondent aux exigences relatives au droit à la santé et au repos, les dispositions de l’accord d’aménagement et de réduction du temps de travail dans le secteur des banques du 29 mai 2001 imposant notamment à l’employeur de veiller à la surcharge de travail et d’y remédier, de sorte qu’est assuré le contrôle de la durée maximale raisonnable de travail ;
– doivent être validées (la Cour de cassation casse l’arrêt favorable au salarié).
Par conséquent, le juge valide des dispositions conventionnelles certes insuffisantes pour garantir la santé du salarié en forfait en jours mais signées par des organisations syndicales représentatives. Cette démarche annonce sur un terrain particulier (les clauses conventionnelles de forfaits en jours), le revirement jurisprudentiel opéré avec les arrêts du 27 janvier 2015 de manière générale (les clauses conventionnelles prévoyant des avantages catégoriels).
Bibliographie
Michel Miné et Daniel Marchand, le Droit du travail en pratique, février 2015, 27e éd., Eyrolles, Paris.