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Après 10 ans d’instruction, le procès de France Telecom se tient du 6 mai au 12 juillet . C’est un procès historique, à travers duquel le management toxique et générateur de souffrance au travail est enfin jugé. Ce Wall Street management s’est traduit par une crise sociale et humaine dont l’origine est la stratégie d’entreprise ayant pour unique boussole la création de valeur pour l’actionnaire. Conséquence : 22 000 fonctionnaires poussés vers la sortie, des mobilités internes géographiques et professionnelles forcées, une explosion du mal être au travail, des dizaines de suicides…
Pourtant, 10 ans après, force est de constater que le Wall Street Management à l’œuvre à France Télécom/Orange n’a pas disparu, loin de là. Réorganisations permanentes, remises en cause du professionnalisme, perte de sens, insécurité professionnelle et sociale, sont au cœur du management par les coûts qui sévit depuis de longues années dans le privé et s’exporte désormais dans les entreprises publiques, les hôpitaux, les collectivités, et la fonction publique d’État.
Le baromètre annuel de l’Ugict-CGT en est l’illustration :
- 54 % des cadres considèrent que régulièrement, les choix ou pratique de leur entreprise entrent en contradiction avec leur éthique professionnelle.
- 72 % d’entre eux estiment ne pas être associés aux orientations stratégiques.
- Un cadre sur deux estime que le management se détériore
En soumettant les salarié·e·s et les fonctionnaires à ces pratiques gestionnaires délétères les conflits de valeur se multiplient, notamment chez les cadres pris entre leur loyauté envers l’entreprise et leur éthique personnelle. Les réorganisations qui se multiplient et se superposent désorganisent massivement les équipes et le travail. L’encadrement de proximité est fragilisé et se retrouve dans une position de plus en plus difficile. Il n’a plus la capacité de tenir son rôle de régulateur pour suppléer aux carences ou aux dysfonctionnements de l’organisation du travail. Il est dépourvu de ses quelques leviers d’action et subit les décisions sur lesquelles il n’a pas été consulté. Ce management par la pression amène à des conduites de démobilisation et de démotivation en même temps qu’il exacerbe les tensions et les rivalités entre les salarié.es, développe les risques psychosociaux et porte des atteintes graves à la santé physique et mentale.
Cachez ce mal que je ne saurai voir
Au lieu de remettre en cause leur management, les directions s’enferment dans le déni. Pour cela, elles axent leur communication sur l’individu et sa supposée fragilité, ou chargent individuellement l’encadrement, afin que l’organisation du travail, le « système » en place ne soit jamais remis en cause. Le gouvernement quant à lui appuie sur l’accélérateur et vise, avec son projet de loi de réforme de la fonction publique, à imposer à marche forcée le New Public Management aux 5,5 millions de fonctionnaires et contractuel·le·s. Quant aux 220 000 salarié·e·s de la SNCF et d’EDF, ils sont en plein dans les travaux pratiques avec des réorganisations rapides et violentes qui sont en cours.
Ce que peut le travail pour passer du lean au clean management
Pour sortir du déni et de la culpabilisation individuelle, l’Ugict-CGT lance une application pour évaluer et mettre en lumière les dégradations des conditions de vie et de travail qui pèsent sur le collectif de travail, et ainsi permettre une vraie négociation collective sur le sujet. L’enjeu : rompre avec les dispositifs de façade et de papier glacé, en décalage complet avec le vécu de terrain.
https://lenumeriqueautrement.fr/appli/
Il y a urgence à tourner la page de la financiarisation des entreprises et du travail et à remettre à l’ordre du jour le bien travailler. À l’heure de la transformation numérique des entreprises et des administrations, il est nécessaire de ré-interroger les modes d’organisations et de fonctionnement et réorienter les transformations en cours à partir du travail et des attentes des équipes.
Pour cela, l’Ugict-CGT propose de mettre en place un management alternatif avec :
- Un droit de refus, d’alerte et d’alternative pour permettre à l’encadrement de faire primer son éthique professionnelle.
- Une évaluation du travail qui redonne du sens à l’activité et valorise le collectif de travail.
- Une meilleure autonomie et reconnaissance des équipes De nouveaux droits pour les représentants du personnels, et notamment des droits suspensifs en cas de réorganisations menaçant la santé au travail.
- La réhabilitation des outils de la santé au travail, et notamment des CHSCT et de la médecine du travail.
- Une réduction du temps de travail et un droit à la déconnexion effectif.
La négociation sur l’encadrement actuellement bloquée par le Patronat doit être l’occasion de mettre ces droits à l’ordre du jour pour permettre enfin aux ingés, cadres et tech d’être professionnellement engagés et socialement responsables.