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La loi Aubry du 19 janvier 2000 a créé la notion de cadre dirigeant ainsi définie : « Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ». (article L.3111-2, alinéa 2)
Cette qualification a d’importantes conséquences, puisque selon l’alinéa 1 du même article, « Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III », c’est-à-dire exclus de toute la réglementation concernant la durée du travail, les repos et les jours fériés. Cette dérogation s’appuie en outre sur un texte européen, l’article 17 §1 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, relative à l’aménagement du temps de travail.
Il autorise en effet les États membres « à ne pas respecter les prescriptions en matière, notamment, de durée maximale journalière et hebdomadaire de travail, lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l’activité exercée, n’est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes, et notamment lorsqu’il s’agit de cadres dirigeants ou d’autres personnes ayant un pouvoir de décision autonome ».
Le Comité Européen des Droits Sociaux s’est prononcé pour une interprétation très restrictive de ces exceptions (voir l’article «Forfaits-jours: des prétoires au terrain» dans ce numéro) mais nombre d’employeurs ont essayé d’élargir la brèche en distribuant généreusement des qualifications de « cadre dirigeant ».
Un premier coup d’arrêt a été donné par la Cour de cassation dans sa décision «Cap Gemini» (cass. soc. 13 janvier 2009, pourvoi n°06-46208) en énonçant que « le juge doit vérifier précisément les conditions réelles d’emploi du salarié concerné, peu important que l’accord collectif applicable retienne pour la fonction occupée par le salarié la qualité de cadre dirigeant ».
Un nouveau pas vient d’être franchi par l’arrêt rendu le 31 janvier 2012 (cass. soc., pourvoi n° 10-24412) concernant une salariée responsable de la collection homme d’une maison de couture. La Cour considère que les critères cumulatifs énumérés à l’article L.3111-2 « impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise».
En conséquence, «ayant relevé que la salariée, bien que disposant d’une grande autonomie dans l’organisation de son travail nécessitée par son haut niveau de responsabilité dans l’élaboration de la collection homme et étant classée au coefficient le plus élevé de la convention collective, ne participait pas à la direction de l’entreprise, la cour d’appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ».
Bref, pour être cadre dirigeant, il faut diriger. On peut y voir une lapalissade, mais le pourvoi de l’employeur soutenait que la cour d’appel de Toulouse, qui avait déjà pris cette position pour donner raison à la salariée, avait « ajouté aux trois conditions cumulatives de l’article L.3111-2 du Code du travail une quatrième condition non prévue par la loi ». L’attendu de principe énoncé par la Cour devrait mettre un terme à toute incertitude. Reste aux véritables cadres dirigeants à s’interroger sur l’opportunité de revendiquer, pour eux aussi, le « droit constitutionnel à la santé et au repos »…