Pour en savoir plus
L ’organisation du travail et notamment l’affectation des salariés est en principe considérée comme relevant du pouvoir de direction de l’employeur.
Il en résulte que les décisions de mutation prises en application d’une clause de mobilité s’imposent au salarié, sauf:
– si cette clause est illicite, notamment si elle ne précise pas l’étendue du champ de mobilité;
– ou mise en œuvre pour une raison autre que l’intérêt de l’entreprise, par exemple comme sanction déguisée ou dans le but de pousser à une démission ou à l’acceptation d’une rupture conventionnelle ; mais la preuve en incombe au salarié… ;
– ou encore si la mutation est opérée dans des conditions abusives (délai de prévenance trop court, absence de prise en compte des contraintes inhérentes à un déplacement géographique important, etc.).
Appliquant un accord de mobilité géographique du 28 mai 1996, GAN Assurances a muté un inspecteur commercial de Compiègne à Paris, puis l’a licencié après qu’il eut refusé ce changement de circonscription.
La cour d’appel d’ Amiens donne raison à l’employeur en énonçant « que la mutation a été décidée dans le cadre d’un projet de réorganisation de l’inspection commerciale et qu’un tel mouvement s’inscrivait dans une pratique normale de rotation des inspecteurs du travail au sein de la société ; que la mobilité géographique est inhérente à l’emploi de M. X… qui n’a pas été traité différemment des autres inspecteurs ; que la procédure s’ est déroulée selon l’usage de la société et dans le respect de ses droits notamment quant aux mesures d’accompagnement destinées à faciliter son installation et que plusieurs mises en demeure lui ont été adressées avant que la direction ne décide de le sanctionner; qu’il n’apparaît pas que la société Gan assurances ait failli à ses obligations. »
La cause semblait entendue !
Cet arrêt est cependant cassé par la Cour de cassation (Cass. soc. 23 mars 2011, pourvoi n° 09-69127) dans les termes suivants : « en se déterminant ainsi, sans rechercher concrètement, comme il lui était demandé, si la décision de l’ employeur de muter le salarié de Compiègne à Paris ne portait pas une atteinte au droit du salarié, lequel faisait valoir qu’ il venait de s’installer à Salouel ensuite de son divorce afin d’offrir de meilleures conditions d’accueil à ses enfants, à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché, la cour d’ appel n’ a pas donné de base légale à sa décision. »
Le droit à une vie familiale et personnelle, y compris à l’occasion des rapports professionnels, est un apport important de la législation et de la jurisprudence européenne. C’est à la lumière de ce droit que la chambre sociale interprète l’article L.1121-1 du Code du travail, qui sert de fondement à sa position : « Nul ne peut apporter aux droits des per- sonnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
Sans être entièrement nouvelle, cette prise en compte, en cas de mutation, des droits de l’individu et de ce qui rend sa situation personnelle différente de celle de ces collègues, est ici affirmée avec une particulière netteté dans un contexte où la mobilité est un mode de gestion habituel et organisé par un accord collectif. Cet arrêt ne peut que nous inciter à une mobilisation plus fréquente et plus offensive de ce texte.
Un commentaire plus approfondi de cet arrêt sera bientôt publié dans le Droit Ouvrier.
Le droit à une vie familiale et personnelle, y compris à l’occasion des rapports professionnels, est un apport important de la législation et de la jurisprudence européenne.
Sans être entièrement nouvelle, cette prise en compte, en cas de mutation, des droits de l’individu et de ce qui rend sa situation personnelle différente de celle de ces collègues, est ici affirmée avec une particulière netteté dans un contexte où la mobilité est un mode de gestion habituel et organisé par un accord collectif.