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En réalité, les attentats de janvier et l’énorme émotion qu’ils ont suscitée ne sont qu’un prétexte pour faire passer un texte qui était dans les cartons depuis au moins un an, voire deux. En effet, notre pays encourrait une condamnation de la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’il restait sans législation destinée à légaliser les pratiques illégales des services de renseignement. Le gouvernement s’est donc très vite engouffré dans une brèche que le contexte émotionnel lui ouvrait.
Ce projet de loi expose tous les citoyens à la surveillance des services de renseignement, quasiment sans contrôle, et met en danger toutes les mobilisations sociales et politiques. Il contient deux articles qui permettent une interception de l’ensemble des données de tous les citoyens français en temps réel sur Internet, dans le but de faire tourner dessus des outils de détection des comportements « suspects ». Face aux critiques, le gouvernement nous assure que cette surveillance par algorithmes serait anonymisée et que l’identification interviendrait uniquement si une menace est détectée.
Mais, les scientifiques de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) sont plus que sceptiques : « Il n’existe pas aujourd’hui de technique d’anonymisation sûre. Un texte de loi ne devrait pas se fonder sur la notion de donnée anonyme ou anonymisée », tranche l’Inria. Quant à la CNIL, saisie pour avis, elle regrette que certaines catégories de professions (avocats, médecins, journalistes…) ne soient pas protégées, et voit dans ce nouvel arsenal des techniques de renseignement, un changement aux « conséquences particulièrement graves sur la protection de la vie privée et des données personnelles ».
Ajoutons à ces critiques le fait que le projet étend le champ d’action du renseignement intérieur et extérieur, y compris dans des objectifs sans aucun lien avec le terrorisme. S’y trouvent également la défense des intérêts économiques et scientifiques de la France, la lutte contre les violences collectives pouvant troubler l’ordre public, la criminalité et la délinquance organisée, etc. Ces nombreuses finalités étendent très largement le champ de la surveillance, parce qu’elles augmentent le nombre de raisons et de périmètres permettant qu’on puisse se retrouver surveillés. Alors que s’ouvre le débat au Palais du Luxembourg, les opposants au texte ne désarment pas. Ainsi, l’Observatoire des Libertés et du Numérique (OLN) et certaines des organisations dont la CGT et son syndicat national des journalistes, la CGT Police, la CFDT, Journalistes, le Syndicat de de Magistrature, le syndicat des avocats de France tiendront une conférence de presse ce 1er juin dans les locaux de la Ligue des Droits de l’Homme.