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Incontestablement on est passés dans une nouvelle séquence qui soulève indignation et réactions des responsables syndicaux et politiques. Si ce jugement s’inscrit dans le mouvement de criminalisation du mouvement social dont la liste ne cesse de s’allonger, il surprend par son extrême sévérité. Un acharnement qui ne doit rien à l’indépendance de la magistrature, car dans cette affaire, la responsabilité politique du gouvernement est totale.
En effet les deux dirigeants « séquestrés » et la direction de l’usine avaient retiré leur plainte. C’est donc bien à l’initiative du parquet, dépendant du ministère de la Justice que les syndicalistes ont été poursuivis et condamnés. Et encore, les esprits tordus trouveront-ils que la justice a eu la main légère si l’on pense que lors de l’audience, le parquet avait requis deux ans d’emprisonnement, dont un an ferme aménageable.
C’est la première fois depuis un demi-siècle qu’un gouvernement demande que soit requises des peines de prison ferme contre des syndicalistes pour avoir participé avec les salariés à des actions en vue d’empêcher la fermeture de leur usine.
« Cette décision est scandaleuse et injuste. Au-delà des salariés d’Amiens, c’est tout le mouvement syndical qui est attaqué », s’est insurgé le secrétaire général de la CGT. « C’est un message fort et dans le mauvais sens que donne le gouvernement aux salariés qui se battent pour préserver leur emploi », estime Philippe Martinez.
La réaction est tellement vive avec près de 100000 signatures (au 17 janvier) sur la pétition de soutien aux huit de Goodyear que Manuel Valls a reconnu jeudi au Sénat que la peine était « indéniablement lourde » mais a estimé qu’il ne fallait pas « basculer dans la violence ». Cette condamnation n’est pas un accident, ni une bavure. Elle entache le lamentable bilan de François Hollande en matière de dialogue social et de libertés syndicales.
Le chef de l’Etat qui avait commencé son mandat en refusant une loi d’amnistie pour les faits survenus dans le cadre des mouvements sociaux entend maintenant procéder à une réécriture du code du travail qui va précisément inverser la hiérarchie des normes sociales applicables dans les entreprises et banaliser le contrat de gré à gré. Il s’agit bien là de s’affranchir du syndicalisme, laisser toute liberté aux entreprises.
L’exécutif a repris complètement à son compte la vieille maxime patronale « les licenciements d’aujourd’hui font les emplois de demain » comme nous l’a encore expliqué le Premier ministre samedi soir chez Laurent Ruquier. Non contents d’avoir accordé plus de 40 milliards de cadeaux aux entreprises, le gouvernement prétend aussi améliorer leur compétitivité en sécurisant les licenciements.
Ce qui est posé à travers cette actualité c’est la question de la citoyenneté et des contre-pouvoirs à l’entreprise et dans la sphère publique. Plus les espaces et les moyens d’expression et de défense sont contestés aux salariés et aux syndicats, plus forte est la violence sociale subie. Il en sera évidemment question lors des Rencontres d’Options ce 28 janvier. Car on ne peut rester spectateurs de cette séquence brutale et répressive, il nous faut aussi revendiquer et construire.