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Illustration : conejota / Shutterstock.com
L’hommage aux 17 victimes tombées sous les balles des fanatiques, ennemis de la liberté restera comme un sursaut populaire plus que comme une célébration triste et compassée. Ceux qui ne lisaient pas Charlie étaient bien plus nombreux que ceux qui se poilaient de rire ou souriaient aux dessins de nos amis Charb, Wolinski, Cabu, Honoré, Tignous.
Mais, tous ces Charlie ont voulu manifester leur attachement à un vivre ensemble qui commence à s’incarner dans les principes de la liberté d’expression. Alors oui, maintenant, il faut désormais que cessent partout les entraves au droit des journalistes de pouvoir critiquer, moquer, pratiquer l’humour et comme l’ont affirmé ensemble les syndicats de journalistes SNJ-CGT, SNJ et CFDT avec leurs Fédérations FIJ (internationale) et FEJ (européenne), il faut « être plus que jamais le poil à gratter contre tous les intégristes, obscurantistes, ennemis de la liberté d’expression, racistes et xénophobes de tout acabit. »
Et cela doit commencer en portant un regard critique sur cette journée. « Comment en effet ne pas être interloqués par la présence, dans la marche parisienne, dans le carré des VIP, du président gabonais Ali Bongo; dʼAhmet Davotoglu, premier ministre de Turquie, lʼune des plus grandes prisons de journalistes; de Benjamin Netanyahou, le premier ministre dʼIsraël alors que 16 journalistes palestiniens ont été tués en 2014 par les forces de sécurité israéliennes ; de Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie dʼune Russie qui musèle sa télévision et réprime de nombreux confrères; de son homologue des Émirats Arabes Unis, où lʼon peut être emprisonné pour un tweet, cheikh Abdallah ben Zayed Al-Nahyane…
Mais encore par celle de Viktor Orban, le premier ministre hongrois, qui a fait main basse sur les médias de son pays. Sans oublier la présence contestable dʼautres dirigeants du monde qui nʼont pas la même vision de la liberté que ceux que nous pleurons depuis mercredi. Par exemple en Grèce où Antonis Samaras, le premier ministre, a ordonné la fermeture de la chaîne publique ERT, rouverte depuis sur décision du Conseil d’Etat », interrogent les syndicats de journalistes.
Pour que cette journée reste dans l’histoire, il ne faut pas qu’elle légitime par une prétendue unité nationale des mesures, des lois d’exception et autres « Patriot Acts » liberticides. La réponse à ces attentats ne saurait être que sécuritaire. La radicalisation violente de ces jeunes nés dans notre pays, citoyens français ne peut être traitée comme une question de géopolitique qui nous ferait perdre de vue le terreau sur lequel cette violence s’est nourrie. Comment ne pas penser aux « hussards de la République », tous ces profs confrontés à des jeunes qui ne se sentent pas Charlie et qui ont refusé de respecter une minute de silence ou qui ont posté sur les réseaux sociaux des propos intolérables. Sans justifier quoi que ce soit, sans angélisme, il faut s’attaquer résolument à tout ce qui provoque le déclassement social, l’exclusion, tout ce qui permet à des jeunes paumés de se muer en faux prophètes de la haine, trouvant ainsi un sens à leur vie.