Dialogue social au « petit trop »

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Dialogue social au « petit trop »
A force de prétendre qu’il y a «Â trop de règles », «Â trop de normes », «Â trop d’articles dans le Code du travail », trop de «Â charges sociales », «Â trop de chômeurs qui ne veulent pas travailler », il fallait bien que quelqu’un se dévoue pour se plaindre de «Â trop de syndicats ». Y-a-t-il trop de syndicats en France et la profusion de l’offre est-elle comme le prétend le secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement la cause d’un «Â affaiblissement du dialogue social »?

L’analyse délivrée par Jean-Marie Le Guen questionné au sujet de l’accord avorté sur le travail du dimanche à la FNAC semble un peu courte pour expliquer l’échec du dialogue social. D’abord parce qu’elle travestit la réalité et elle bafoue quelques principes démocratiques. Il ne s’agit nullement d’un coup de force perpétré par une minorité de blocage. En effet, les trois syndicats opposés à l’extension du travail dominical dans l’enseigne représentent la majorité aux élections professionnelles. Jusqu’à preuve du contraire et jusqu’à ce que le gouvernement ne change ces règles avec la réécriture à venir du Code du travail, ce sont encore les règles affirmées par la loi sur la représentativité en 2008 qui prévalent pour la négociation, la conclusion et la validité des accords.

L’affaiblissement du dialogue social se nourrit hélas de bien d’autres choses et ce gouvernement devrait balayer dans sa cour. Est-il respectueux de la démocratie sociale lorsqu’il prétend appliquer aux fonctionnaires un protocole -certes longuement négocié – signé par des organisations minoritaires ?

Quelle considération le chef du gouvernement accorde aux syndicats lorsqu’il flèche la négociation à venir de la nouvelle convention d’assurance chômage en réclamant une réforme ambitieuse ?

L’ambition de Manuel Valls est-elle de faire avaliser par les syndicats de salariés les sacrifices que le ministre du Budget a promis à la commission européenne, à savoir de réduire le déficit du régime en appliquant les recettes dictées par la Cour des Comptes et celles du Medef ?

Cette instrumentalisation du dialogue social ne contribue pas à en renforcer l’intérêt. Et puisque l’on parle de « trop de syndicats », on voit surtout que le gouvernement et le Medef n’en comptent pas toujours assez pour accompagner leurs décisions. Le dialogue social sortirait-il grandi s’il avait servi à faire accepter une extension du travail dominical que les français rejettent majoritairement lorsqu’il s’agit d’eux-mêmes ?

Nous n’allons pas ici plaider et nous réjouir de l’émiettement syndical qui prévaut dans notre pays. « La force du patronat réside surtout dans l’éparpillement et dans la division des travailleurs et travailleuses » affirmions-nous lors du 50ème Congrès de la CGT. « Pour modifier en profondeur ce rapport de forces, tout doit être mis en œuvre, à chaque instant, pour surmonter les différences, les divergences et pour combattre ces divisions ». Les salariés, n’y trouvent pas d’intérêt et aspirent à l’unité d’action. Difficile à réaliser, à faire vivre au quotidien, l’unité se construit, comme on le verra ce 26 janvier dans la Fonction publique, comme on l’a vu la semaine passée dans les 130 entreprises de l’Énergie, comme on la voit encore à Air France ou chez General Electric.

Pour réellement changer la donne, il faut gagner l’implication et l’unité d’un nombre bien plus grand de salarié-e-s. Pas assez de syndiqués, donc, et pour ce qui nous concerne parmi les salariés qualifiés et en responsabilité, pas encore suffisamment de salariés impliqués dans l’activité syndicale.

Enfin le gouvernement porte une responsabilité dans cette trop faible syndicalisation qui doit beaucoup à la peur, car il laisse se perpétuer la criminalisation de l’activité syndicale, quand il ne s’y livre pas lui-même en poursuivant et condamnant lourdement les salariés de Goodyear.

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