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Qu’est-ce donc que la protection du secret des affaires ? La question mérite d’être posée à nouveau depuis qu’on a appris de la bouche de la ministre déléguée chargée de l’autonomie des personnes âgées, Brigitte Bourguignon, que le rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF) et des Affaires sociales (IGAS) saisies par le gouvernement le 1er février dans le scandale Orpea ne seraient pas rendus publics car « couvert par le secret des affaires ».
C’est aussi cette loi qui a été invoquée par les Agences Régionales de Santé puis par la Commission d’Accès aux documents administratifs (CADA) pour refuser au journaliste Victor Castanet l’accès à l’information sur le financement d’Orpéa par les fonds publics.
Voilà donc à quoi sert cette loi de 2018 qui transcrit en droit français la directive européenne de 2016 : à étouffer un scandale.
Le gouvernement se donne le beau rôle en annonçant dans le même temps qu’il porte plainte et va demander le remboursement des dotations publiques présumées détournées de leurs fins par le groupe Orpea. Le groupe qui se gave sur le dos des personnes âgées dépendantes et leurs familles depuis des années pourrait ainsi s’en sortir délesté de quel qu’argent, sans que soit remis en cause ce qui fait système dans ce groupe. Car c’est de cela dont il est question dans le livre de Victor Castanet : un système bien huilé générateur d’une maltraitance institutionnelle.
L’IGAS et l’IGF estiment ainsi qu’entre 2017 et 2020, Orpea a fait indûment financer par les pouvoirs publics 50,6 millions d’euros de dépenses de personnel. Le groupe a dégagé un excédent de 20 millions d’euros grâce à sa « sous-consommation des crédits publics versés par les Agence régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux sur la période 2017-2020 », pointe le pré-rapport, selon le résumé qu’en a publié Le Monde le 21 mars. Car selon le Monde, « l’IGF et l’IGAS considèrent qu’Orpea poursuit en priorité un objectif de performance budgétaire qui contribue à la mauvaise qualité de vie des résidents et des soins qui leur sont prodigués », confortant ainsi les révélations de Victor Castanet dans son enquête Les fossoyeurs. Ce secret des affaires avait déjà été avancé lorsqu’Olivier Véran avait affirmé le 11 mars qu’il comptait en publier « la totalité, à l’exception de ce qui est couvert par le secret des affaires ». Finalement c’est « circulez rien à voir ! ».
On voit aujourd’hui à quoi sert cette loi de 2018 combattue par la CGT, par son organisation spécifique de l’encadrement, l’Ugict-CGT, et par un grand nombre d’associations et de collectifs qui avait rassemblé plus d’un demi million de signatures. Elle permet par exemple au PDG d’Orpea Philippe Charrier, d’affirmer sans rire : « nous regrettons que le rapport définitif ne soit ni rendu public, ni mis à disposition des parties prenantes. Il permet de conclure en effet qu’il n’y a pas chez Orpea de système organisé qui aboutirait à de la maltraitance ». Gonflé le patron, qui en profite dans les colonnes du Figaro pour présenter ses excuses « les plus sincères aux résidents et aux familles qui […] ont subi les conséquences » des dysfonctionnements de gestion, qu’il reconnaît. La protection du secret des affaires lui permet de nier en bloc tout le caractère systémique mis en lumière par les témoignages courageux des lanceurs d’alerte.
Orpea n’est pas une entreprise de la défense, pas un centre de recherche, pas un bureau d’étude industrielle. Quel brevet Orpea pourrait bien protéger par ce satané secret des affaires ? Assurément celui d’une machine à cash très efficace. Et on peut imaginer que si le gouvernement lui accorde le bénéfice du secret des affaires, c’est aussi parce que les pouvoirs publics ont été sinon complices, du moins aveugles et sourds à toutes les alertes lancées par les personnels et leurs représentants.
Par FD, journaliste engagé et militant Ugict-CGT
Bonjour,
Personne ne le dit mais cette loi a déjà été utilisée pour tenter d’étouffer le scandale du nouveau lévothyrox
Une victime du nouveau lévothyrox