Recherche : une prescription totalement inadaptée au diagnostic !

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Se saisissant du moment exceptionnel dans la vie de la nation que représente l’épidémie de Covid-19, le président de la République et avec lui le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation annoncent, sans autre forme de concertation, la mise en œuvre d’un ensemble de mesures.

La plupart de ces mesures étaient déjà contenues en germe dans les documents préparatoires de la Loi de Programmation Pluriannuelle pour la Recherche (LPPR) et qui avaient déjà valu une véritable levée de boucliers de la part de la profession. Tels les médecins de Molière qui, après avoir multiplié purges et saignées, constatent que le malade est de plus en plus faible et mal en point, ils font le constat, aujourd’hui, que la recherche est au plus mal, qu’elle nécessite une intervention forte et sans précédent.

Des mesures insuffisantes

Pour autant, une fois le diagnostic posé, la prescription reste très en deçà des enjeux et ne fait que prolonger, sans rien y changer, les politiques en cours. Alors que depuis plus de 20 ans l’objectif de 1 % du PIB consacré à la recherche publique est affiché et proclamé, ils nous annoncent que celui-ci est renvoyé à l’horizon 2030. Alors que la recherche souffre d’une précarisation galopante de ses emplois, d’une perte de repères de ses équipes sur le sens de leur travail, d’un sous dimensionnement permanent de ses moyens humains et financiers, ils nous proposent de poursuivre sur la voie qui, depuis plus de deux décennies, conduit la recherche française dans l’impasse. Au regard de l’évolution attendue du PIB, avec une progression de 5 milliards en 10 ans, le budget en 2030 sera au mieux, en euro constant, de 0,85 % du PIB et une part importante de ces crédits viendra abonder le budget de l’ANR, alors que cette agence n’est certainement pas la solution à la crise de la recherche en France mais, en l’état, bien plus un symptôme du malaise de celle-ci.

La Recherche, en France, n’a pas besoin de faux-semblants et d’effets d’annonce mais d’un véritable choc d’investissement, de financements pérennes, d’emplois supplémentaires stables, statutaires et aux salaires attractifs dans toutes les catégories de personnels (chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs, techniciens, métiers supports, etc.). L’épidémie que nous vivons démontre dramatiquement le besoin d’une recherche forte dont les financements sont assurés dans le temps, pour répondre aux besoins à venir, tant sociaux que sociétaux et environnementaux. Pour cela il faut, dès 2021, que 1 % du PIB soit consacré à la recherche publique.

Un objectif inconcevable pour la CGT

Précisons tout de suite qu’il n’est, pour la CGT, pas concevable que l’objectif des 5 milliards manquants pour atteindre le 1 % consacré à la recherche publique en référence au PIB d’avant la crise sanitaire soit revu à la baisse, dans le cadre d’une réduction prévisible de la croissance.

Une loi de programmation devrait en tout état de cause, en plus de ces 5 milliards, planifier une augmentation substantielle et progressive des engagements financiers pour la recherche. La BCE vient, quant à elle, de décider un plan d’urgence en débloquant 750 milliards d’euros. De quel financement disposeront la recherche publique et la R&D ?

Dans un contexte où la recherche fonctionne sur la base d’appels à projets, chacun s’accorde sur le fait que les financements de base sont aujourd’hui tombés si bas qu’ils remettent en cause la capacité des équipes à bien y répondre. De ce fait, leur capacité à anticiper le temps plus long des défis qui nous attendent est remise en cause. Effet de mode oblige, la diminution des crédits par appels à projets, pour les recherches sur les coronavirus entre la crise de 2003 et celle de 2020, démontre suffisamment que seuls les financements pérennes permettent aux équipes de poursuivre des chantiers essentiels, même lorsque le « pilotage » par agence perd le fil.

Ce plan, enfin, reste muet sur ce qui pourtant sera à l’origine de la recherche de demain : l’enseignement supérieur. C’est, en effet, au sein de celui-ci que doivent être formés les futurs chercheurs, que doivent se forger les vocations pour la recherche de demain et les consciences et compréhensions citoyennes des enjeux à venir. L’enseignement supérieur, haut lieu de formation et de recherches, est le grand oublié de ces annonces. Frédérique Vidal, ministre de la Recherche, propose un « réarmement de notre recherche qui paie les conséquences d’un sous-investissement chronique ». Or, ce réinvestissement présenté comme massif s’inscrit de nouveau dans des choix stratégiques qui ont déjà fait la preuve de leur inefficacité.

Pour notre organisation, hormis la nécessité d’une augmentation des moyens pérennes de la recherche fondamentale, sans laquelle toute velléité de R&D ou d’innovation est vaine, il faut créer les conditions de transfert qui soient profitables à l’ensemble de l’économie sans pour autant léser le secteur public garant de l’intérêt général.

De ce fait, la CGT propose que :

  • les pouvoirs publics arrêtent de s’entêter à faire perdurer des dispositifs d’interfaces qui, non contents d’accaparer bon nombre de financements publics, restent d’une efficacité très limitée et complexifient le paysage de la recherche ;
  • soit questionné et réorienté, tant sur la forme que sur le fond, tout le système d’aide publique dédié à la recherche privée dans le cadre de négociations entre organisations syndicales et patronales et du gouvernement. Celles-ci doivent porter sur l’efficacité des modalités des aides, sur l’élaboration de critères d’attribution liés aux résultats des entreprises, en termes d’accroissement de l’investissement en Recherche et Développement (R&D) et d’insertions professionnelles mais aussi sur les modes de contrôle a priori et a posteriori. Parmi ces critères, celui sur la finalité des recherches financées par l’argent public devrait être introduit, celles-ci devant nécessairement répondre aux besoins des populations, comme par exemple la nécessité de recherche sur les maladies infectieuses pour l’industrie pharmaceutique ;
  • soit impulsé, au travers des organismes nationaux de recherche dont dispose le pays (EPIC, EPST, Université, etc.) un plan de recherche public ambitieux de grands programmes ayant pour vocation d’aborder l’ensemble des défis sociétaux que nous devons relever.

La CGT entend permettre aux salariés et à leurs représentants d’intervenir sur les choix scientifiques et technologiques et les stratégies à mettre en œuvre sur le long terme. Ces stratégies déterminent le contenu de la recherche et de l’aval industriel. L’emploi, la formation, le contenu du travail de centaines de milliers d’individus sont en cause.

La CGT entend prendre toute sa place quand de tels enjeux dépendent des choix qui vont être faits. Elle est aussi consciente du rôle du syndicalisme face aux défis de notre temps.

Le sursaut collectif ne se fera pas sans le syndicalisme car celui-ci porte l’expérience plus que centenaire de la construction du rapport de forces pour défendre, préserver et améliorer un environnement vulnérable depuis longtemps : celui du travail. Nous savons, désormais, que les choix stratégiques au profit du capital qui rendent la vie au travail invivable ont entrepris de rendre la vie insupportable. Ces luttes sont, désormais, indissociables : la survie des équilibres écologiques ne se fera pas sans la libération du travail, sans l’émergence de nouvelles formes de gouvernance et de décision, rendant leur voix à celles et ceux qui entendent prendre soin de leur environnement au sens le plus riche de ce terme : environnement social, humain, naturel, celui d’aujourd’hui et celui des générations à venir.

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