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Le sujet était ambition et les intervenants n’ont pu échapper à des questions hors-cadre. Il faut savoir d’où l’on parle, cette question a, une fois de plus, démontré toute sa justesse. Incontestablement Michel Margnes, président de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) avec fougue et conviction, a marqué cette table ronde, parce qu’il se positionne en tant qu’acteur industriel, aménageur et héritier historique des valeurs économiques et sociales qui ont présidé à la reconstruction. Mais pas seulement. En effet, le président de la CNR engage résolument l’entreprise dont il a la charge dans des chantiers de l’énergie renouvelable et du développement durable. Une démonstration exemplaire de l’efficacité industrielle au service de l’aménagement du territoire et bien au-delà.
Luc Rousseau, directeur général de la Compétitivité de l’Industrie et des Services, replace le propos dans la compétition internationale tout en déclinant les outils institutionnels de financement territoriaux et insiste sur le rôle des pôles de compétitivité.
Quant à Jean-Christophe le Duigou, représentant de la CGT au Conseil d’administration du Fonds Stratégique Industriel, il se place résolument dans une dynamique de propositions appuyées sur des constats que personne aujourd’hui ne remet en cause.
Pour bien comprendre l’exemple que représente la CNR, il faut faire un peu d’histoire. Crée en 1934, la CNR est aujourd’hui le deuxième producteur d’électricité en France.
Une société d’économie mixte (50 % capitaux publics et 49% Edf-Suez.) qui emploie 1 330 salariés. Son activité industrielle a consisté depuis 1946 à la construction de 19 centrales hydroélectriques, en l’aménagement et l’entretien des barrages exploités par Edf. Sur cette aire géographique se situent aussi des centrales nucléaires, Bugey Tricastin, Saint- Alban, Cruas. La CNR gère les barrages sur 450 Km du Rhône. Michel Margnes explique le rôle de la CNR dans le développement de la région : « Les textes fondateurs de la CNR définissent son activité industrielle: la production d’électricité et les opérations d’aménagement du territoire et de navigation. Nous sommes allé audelà du cahier des charges. Nous avons aménagé le couloir fluvial rhodanien à hauteur de 30 millions d’euros. Entre Lyon et Marseille, le flux est passé de 2 000 conteneurs en 2002 à 40 000 en 2009. Nous avons aussi pris en charge l’aménagement de petites plates-formes de tri modal fluvial, ferroviaire et routier au profit des industries locales et de 11 appontements fluviaux pour le tourisme».
Pour le président de la CNR, chaque entreprise a un rôle à jouer dans l’aménagement.Aujourd’hui, la CNR s’investit dans l’éolien et produit 150 MW, «malheureusement les acheteurs sont danois et norvégiens » déplore Michel Margnes. Et la CNR va inaugurer un champ de 19000 panneaux photovoltaïques, fabriqués en France.
Luc Rousseau affirme que la compétitivité doit être offensive sur les métiers de demain tout en ne délaissant pas les secteurs existants et souligne l’interdépendance des trois échelles mondiale, européenne, nationale et territoriale. Il décline les outils de développement pour les territoires: Oseo, le Fonds stratégique d’investissements; le soutien à l’innovation, le crédit d’impôts recherche, le grand emprunt, enfin les pôles de compétitivité «qui ouvrent le dialogue entre l’université, les laboratoires et les entreprises dans un environnement favorable à leur développement» affirme le directeur de la Compétitivité. «Nous sommes d’accord sur un certain nombre de points : l’importance de l’industrie et du socle industriel. Mais il y existe des points essentiels de désaccord » intervient Jean-Christophe Le Duigou. Pour le représentant de la CGT, les atouts de la France restent fragiles car essentiellement adossés aux grands projets des années 60 et 70, ferroviaire, aéronautique etc. et la crise a montré comment les normes financières pouvaient détruire l’industrie.
« Peut-on penser que l’on va relocaliser une industrie avec des perspectives de croissance faibles?» s’interroge Jean-Christophe Le Duigou. «La compétitivité en France se définit par la réduction du nombre d’emplois, pendant que les Allemands développent la compétitivité hors coût. Il faut jouer sur l’innovation et une recherche publiques en France plus développée que dans d’autres pays». Il cite en exemple l’installation d’une ligne de semiconducteurs, en France en 1990, résultat d’un transfert de technologie d’Edf, adossée à un savoir faire de l’industrie chimique, deux atouts qui compensaient largement le faible coût de la main d’oeuvre coréenne et avançaient de 18 mois la mise sur le marché.
Pour Jean-Christophe Le Duigou, le crédit d’impôts recherche doit servir au développement. «J’ai des réserves et des réticences avouet- il. D’après certains, 80 % des résultats des recherches partent à l’étranger au moment de l’appliquer. Il faut faire en sorte qu’il soit en lien avec le développement industriel. C’est le rôle des pôles de compétitivité que l’on voudrait transformer en pôle de développement ». La CGT a d’ailleurs demandé que des structures permettent aux syndicats de s’exprimer sur la gestion des pôles. Le syndicat propose aussi la création de fonds régionaux ayant un lien avec une orientation naturelle avec une vision cohérente des filières.
«L’industrie va buter sur des problèmes structurels de financements si l’on veut relocaliser et les mécanismes du marché ne seront pas suffisants» affirme Jean-Christophe Le Duigou.