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Les délocalisations touchent aussi les emplois les plus qualifiés.
Une des effets les plus visibles de la mondialisation est sans nul doute le phénomène des délocalisations d’emplois. Son impact sur le marché du travail et donc sur les chiffres du chômage est devenu l’un des thèmes majeurs qui préoccupent les décideurs politiques et l’opinion publique. Ce phénomène, qui n’est pas vraiment nouveau, suscite des inquiétudes nouvelles parce que désormais, il ne concerne plus uniquement les secteurs traditionnels de l’industrie manufacturière et les emplois peu qualifiés, mais également les secteurs technologiquement plus avancés et les services, notamment les services destinés aux entreprises, comme par exemple les centres d’appels.
Mais plus récemment encore, les emplois les plus qualifiés ont également été touchés par les délocalisations. Cela concerne aujourd’hui les fonctions d’ingénierie, de conception, de management …
En effet, la mondialisation de l’économie s’est traduite par une explosion des échanges et une absence de contraintes apparentes entre les lieux de production et de consommation des biens et des services.
Associé à la logique de réduction systématique des coûts, cela conduit à une mise en concurrence des salariés à l’échelle de la planète avec une volonté pour les entreprises de tirer les salaires vers le bas. Cela est d’autant plus significatif pour la production de services par des salariés qualifiés, production dans laquelle les salaires constituent la part prépondérante de la valeur ajoutée. L’obtention d’une main d’œuvre qualifiée low cost se fait donc le plus souvent par la délocalisation ou sous la pression des délocalisations.
L’émergence de deux grandes économies d’Asie, la Chine et l’inde, ayant rattrapé en partie leur retard technologique et disposant d’une main d’œuvre abondante et de plus en plus qualifiée est en grande partie à l’origine du développement de ce phénomène. Le « progrès » technique, notamment dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, a permis d’accélérer le mouvement et de l’étendre à des secteurs à main d’œuvre très qualifiée.
L’exemple le plus connu est sans doute celui de l’outsourcing des développements informatiques externalisés en Inde. Mais l’informatique n’est pas le seul secteur concerné et d’autres secteurs stratégiques de Recherche et Développement sont aujourd’hui externalisées, par exemple dans l’automobile.
Pourtant, le bilan des externalisations tiré par les entreprises n’est pas toujours positif : problèmes de qualité, de fiabilité des « approvisionnements » ou difficultés de « culture d’entreprise », de nombreuses sociétés reviennent des illusions de l’offshore pour redéfinir leur politique d’externalisation au profit d’un nearshore.
C’est donc pour nous d’abord à l’intérieur de l’ Europe que nous assistons à une délocalisation de l’emploi qualifié.
Les déséquilibres de salaire et des conditions sociales à l’intérieur même de l’Union Européenne conduisent les entreprises à déporter les activités vers les pays les moins disant sociaux, notamment les pays d’Europe Centrales et Orientales. Si la mobilité volontaire des salariés en Europe ne peut que favoriser les échanges et être bénéfique pour tous, il n’est pas acceptable que cette mobilité soit forcée, pilotée par des contraintes sur l’emploi induites essentiellement par une logique financière. Une telle position est socialement irresponsable de la part des entreprises européennes. L’Union européenne est aujourd’hui un espace économique et financier et nous avons besoin d’un espace social, avec des règles harmonisées.
Le management libéral nie les valeurs humaines !
Mais les effets de la mondialisation ne se limitent pas aux délocalisations géographiques. Ils ont profondément modifié le sens que les employeurs veulent donner au travail qualifié, y compris localement in situ dans nos entreprises.
Ce qui caractérise aujourd’hui l’économie mondialisée, pilotée par quelques grands groupes supra nationaux, c’est d ‘abord la logique du profit à court terme. La logique financière prend le pas sur toute forme de développement durable, en particulier ses dimensions sociales et environnementales.
Dans ce contexte, le management interne a été profondément modifié : Jusqu’au début des années 80, les cadres devaient développer un management basé sur un concept intégrant largement qualité et sécurité, où l’homme, et donc les aspects sociaux de la production, occupait une place importante. Ce management interne aux entreprises a évolué progressivement pour arriver à un management dit « par les résultats » où, in fine, ne compte que le résultat financier et où l’homme et les aspects sociaux ne sont qu’une charge contraire au profit.
Dans cette logique, le cadre, quel que soit son niveau hiérarchique, se doit d’obtenir les résultats fixés.
A aucun moment les cadres n’ont la possibilité de poser la question des moyens (humains, matériels ou financiers) qui seraient nécessaires pour atteindre les dits objectifs.
Quel cadre à la possibilité ne serait que de négocier les objectifs qu’il devra atteindre (sous peine de non considération, perte de confiance, inefficacité, perte de prime d’intéressement, non évolution de carrière …) ?
Cette logique libérale du management, issue d’un modèle anglo-saxon dans lequel le cadre doit être porteur de l’idéologie patronale, nous pouvons en voir tous les jours voir les conséquences dans les entreprises.
Face à cela, l’Ugict-CGT oppose un autre mode de management, qui remette l’individu et sa créativité au centre du processus de travail et dont l’efficacité économique sur le long terme est bien supérieure à celle du management libéral.
Crise économique et salariés qualifiés
La crise économique et financière que nous avons connue ces derniers mois, crise mondiale, a permis de s’interroger sur les effets du modèle de management associé à l’économie libérale mondialisé.
Malheureusement, loin de reconnaître la nécessité de redonner des marges de manœuvre à l’encadrement, les analystes ont plutôt montré du doigt les cadres, les accusant de tous les maux et ignorant la responsabilité des véritables décideurs.
Dans cette mise en accusation généralisée, l’exemple des traders est sans doute le plus marquant.
En pleine crise financière, il est facile de créer haro sur les traders, de condamner fermement les risques inconsidérés qu’ils ont pris. Mais ne sont-ils pas en l’occurrence l’âne des animaux malades de la peste ? Agiraient-ils ainsi si leurs actionnaires ne leur fixaient pas des objectifs de rentabilité à 15 ou 20%, voire plus ? Certains peut-être mais sans doute pas l’immense majorité d’entre eux.
Pour comprendre comment des salariés qualifiés ont pu être aussi impliqués dans le déclenchement d’une crise financière planétaire, la question de leur rémunération doit être posée. Ce n’est plus leur qualification qui est reconnue par un salaire « conventionnel » mais leurs résultats qui sont récompensés à travers un système de primes, exemptes de cotisations sociales, qui représente une part de plus en plus grande de leurs revenus. Cette logique de rémunération du résultat, nous avons vu où elle nous a conduit. Ce système montre aujourd’hui ses dérives avec les stocks options et les bonus.
C’est tout ce système qu’il faudrait abolir pour revenir à une vraie rémunération de la qualification, des compétences et de l’expérience.
La crise a également posé la question de la gouvernance.
Face au poids aujourd’hui prépondérant des actionnaires dans le domaine économique mais aussi politique, la construction d’une gouvernance mondiale légitime, démocratique et efficace est urgente. Si l’on veut sortir des stratégies mercantiles des acteurs de l’économie libérale qui savent jouer sur les déséquilibres et les divisions pour générer du profit, de nouvelles gouvernances mondiales sont nécessaires pour aller vers une économie davantage orientée vers le bien être social. Elles passent sans doute par une plus grande influence des pays émergents et des pays de l’hémisphère sud. Pour autant, une plus grande influence des gouvernements des pays du Sud n’implique pas automatiquement une plus grande justice sociale.
C’est par une plus grande implication des citoyens ordinaires, des salariés qui font tourner l’économie mondiale, que les choses peuvent évoluer favorablement.
Le mouvement syndical a donc toute sa place et face à des décideurs économiques organisés au niveau mondial, il doit apporter une réponse coordonnée également au niveau mondial. Mais s’il veut durablement changer les réalités sociales, il ne doit pas se limiter à ceux dont la situation économique est la plus difficile et il doit prendre en compte le rôle des cadres.
L’engagement d’une direction d’entreprise multinationale, à travers la signature d’un accord mondial avec une ou plusieurs organisation(s) syndicale(s), est un outil qui peut permettre des avancées et une meilleure coordination des différentes organisations nationales pour leur permettre une intervention plus efficace. Mais, pour que de tels accords vivent réellement, il nous parait essentiel que les cadres puissent s’en emparer pour le mettre en œuvre au quotidien.
Il est difficile de penser qu’une entreprise puisse respecter les trois dimensions du développement durable (économique, environnemental et social) ou adopter une attitude socialement responsable si son management interne reste basé sur la recherche de profits financiers. Si nous voulons lutter contre les effets pervers d’une économie mondialisée, la responsabilité sociale des entreprises doit être mise en avant. Mais les déclarations d’intention resteront lettre morte, si les salariés qualifiés, au quotidien, dans la mise en œuvre des procédures techniques ou dans les méthodes de management ne sont pas en mesure, à l’échelle mondiale, de jouer un rôle pleinement socialement responsable.
Comment l’UGICT est impliquée dans le syndicalisme mondial.
D’abord à travers la confédération car la CGT est membre de la CSI, confédération syndicale internationale, dont la première mission consiste à promouvoir et à défendre les droits et les intérêts des travailleurs au travers de la coopération internationale entre les syndicats et de campagnes mondiales et d’actions militantes au sein des principales institutions internationales. L’objectif affiché par la CSI dès son congrès constitutif en 2006 est de construire des mouvements revendicatifs à l’échelle internationale pour imposer une autre organisation des échanges mondiaux en réintégrant l’homme au centre du processus de production.
Nous sommes également membres d’UNI, Union Network International, fédération internationale regroupant des organisations syndicales du monde entier, plutôt dans les métiers de service. Très impliquée dans les questions sociales et environnementales, UNI est connue pour la signature d’accord mondiaux avec des multinationales.
Enfin, nous développons des partenariats avec des organisations représentatives de l’encadrement sur différents continents. On peut citer le Brésil en Amérique du sud, l’Inde en Asie, le Togo et le Sénégal en Afrique.
Et nous avons bien sur également une activité plus spécifiquement européenne à travers Eurocadres.