Loi travail contre-attaque : les droits auxquels le gouvernement veut que vous renonciez

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Loi travail contre-attaque : les droits auxquels le gouvernement veut que vous renonciez
Une analyse détaillée avant / après pour tout savoir de ce qui a changé et ce qui pose toujours problème, soit 27 bonnes raisons de demander le retrait de ce projet.

Suite à la mobilisation citoyenne et syndicale, le 14 mars le gouvernement a annoncé des changements dans le projet de loi Travail. Après 3 semaines de déni et de tentatives de « pédagogie », le gouvernement reconnait enfin que son projet de loi ne passe pas.

Après des annonces brouillonnes et contradictoires lundi, nous avons enfin le projet de loi, ce qui permet de faire le point dans le détail sur les bougés. Stratégie classique du chiffon rouge : on présente une première copie proprement scandaleuse, puis on retire les dispositions les plus choquantes pour mieux faire passer l’essentiel. Cela permet de faire croire à « des avancées » alors que les régressions pour les droits des salariés figurent toujours dans le texte.

CE QUI CHANGE

1.  Le Compte Personnel d’Activité est doté de droits à formation pour les salarié-es les moins qualifié-es, sans que l’on sache comment ce sera financé.

2. L’augmentation du temps de travail des apprentis mineurs est supprimée. Pour qu’ils travaillent plus de 35h, il sera toujours nécessaire, comme aujourd’hui, d’obtenir une autorisation de l’inspecteur du travail.

3. L’article concernant le barème prud’hommal est supprimé. Reste donc le barème indicatif fixé en 2013, qui ne concerne que l’indemnisation en conciliation, si les deux parties l’acceptent, en cas de contestation de la rupture du contrat de travail. Ce barème étant fixé par décret, le gouvernement pourrait donc passer à un barème exprimé en euros et non plus en mois de salaire, comme le laisse supposer le dossier de presse du 14 mars. Il pourrait aussi le rendre « indicatif » pour le bureau de jugement (possibilité déjà incluse dans l’article L.1235-1 mais pas retenue dans l’actuel décret) et ainsi renforcer la pression sur le juge et baisser le niveau du barème.

4.  L’employeur ne pourra pas mettre en place de façon unilatérale les forfaits jours dans les entreprises de moins de 50 salarié-es, il y aura besoin d’un accord d’un-e salarié-e mandaté-e. Reste à savoir si cet accord pourra déroger à l’accord de branche et prévoir par exemple davantage de jours travaillés ou moins de contrôle de la charge de travail. 

5. Par accord d’entrprise, on peut augmenter le temps de travail à 46h sur 12 semaines (au lieu de 16 dans la première version). Actuellement, la durée maximum de travail est limitée à 44h sur 12 semaines, sans dépassement possible par accord d’entreprise

6. L’augmentation de la période de référence  pour la durée hebdomadaire moyenne du travail de nuit (16 semaines au lieu de 12) est supprimée.

7. Le fractionnement des temps de repos n’est plus prévu par la loi mais, pour les salariés en forfait-jours, il est renvoyé à une concertation avant le 1er octobre 2016. C’est reculer pour mieux sauter, le gouvernement n’y renonce pas !

8. La période maximale de modulation du temps de travail par décision unilatérale de l’employeur est ramenée de 16 à 9 semaines pour les entreprises de moins de 50 salariés (auparavant, c’était 4 semaines)

9. La modulation du temps de travail sur une durée supérieure à un an (jusqu’à trois ans !) doit être prévue par accord de branche. L’accord doit fixer une durée hebdomadaire maximale dont le dépassement déclenche le paiement d’heures supplémentaire. Cette disposition reste facultative pour les accords portant sur une durée de modulation d’au plus un an.

10. La mise en place d’horaires individualisés doit de nouveau être autorisée par le CE, à défaut par les DP, à défaut par l’inspecteur du travail (retour à la situation actuelle).

11. Congés pour événements de famille : les durées minimales d’ordre public sont rétablies, ce qui n’est pas le cas pour les autres congés.

12. Avant de mettre en œuvre le temps partiel, l’employeur sera toujours obligé d’informer l’inspection du travail

13. Licenciements avant transfert ou reprise d’activité : l’exposé des motifs indique que cela ne pourra concerner que les entreprises de plus de 1000 salariés, cependant, dans la rédaction de la loi, la mesure s’applique toujours à toutes les entreprises.

 

CE QUI POSE TOUJOURS PROBLÈME

La limitation des droits fondamentaux par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise (principe « Badinter » n°1)

« Des limitations ne peuvent leur être apportées que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.

L’inversion de la hiérarchie des normes 

Aujourd’hui 

C’est le principe du plus favorable qui prévaut pour l’essentiel avec ce que l’on appelle la hiérarchie des normes : la loi prime sur l’accord de branche qui prime sur l’accord d’entreprise, sauf si l’accord de branche ou d’entreprise sont plus favorables. Ce principe a cependant été entaillé par la loi Fillon de 2008 sur le temps de travail mais prévaut toujours sur l’essentiel des sujets.

Demain

La hiérarchie des normes est inversée, c’est l’accord d’entreprise qui prévaut sur l’accord de brancheou la loi, même quand il est moins favorable. Sur de nombreux sujets, la loi ne fixe plus de normes mais délègue ce soin aux accords d’entreprise. Le nouveau projet de loi étend les possibilités de négociation dans les entreprises où il n’y a pas d’Institutions Représentatives du Personnel à des salarié-es mandaté-es, qui ne bénéficieront pas des droits et protections des élu-es et syndicats, et seront davantage sous pression de l’employeur. L’inversion de la hierarchie des normes est défavorable aux salariés les plus précaires et aux femmes, qui travaillent dans les entreprises sous-traitantes, les PME et TPE, dans lesquelles les organisations syndicales sont moins implantées. 


 

27 droits auxquels le gouvernement Valls vous demande de renoncer : 

 

 

Travailler plus pour gagner moins

1. La durée maximale de travail dépassée plus facilement (article 3)

Aujourd’hui 

La durée maximale de travail sur la semaine est de 48 heures et de 44 heures en moyenne sur 12 semaines. Exceptionnellement, elle peut atteindre jusqu’à 60 heures par semaine, toujours avec l’autorisation de l’inspection du travail et après avis des Instances Représentatives du Personnel (IRP). Le dépassement de la durée moyenne (jusqu’à 46 h) nécessite un accord de branche ET un décret.

Demain

La durée maximum hebdomadaire de travail sera aussi toujours de 48 heures par semaine, mais pourra atteindre 46 heures sur 12 semaines par accord d’entreprise.  Le gouvernement envisageait aussi de pouvoir monter à 60 heures hebdomadaire pas simple accord d’entreprise, mais la dernière version du texte renvoie le dispositif à une autorisation administrative. Il supprime cependant l’obligation de consultation des IRP. Contrairement à ce qu’il a annoncé le 14/03, le gouvernement ne reste donc pas à « droit constant » sur le temps de travail. Les durées maximum de travail peuvent bien être augmentées.

 

2. Des heures supplémentaires moins payées (art. 3)

Aujourd’hui 

La durée légale est de 35 heures par semaine et les heures supplémentaires sont rémunérées 25 % de plus pour les huit premières heures, 50 % au-delà. Par accord collectif, cependant, cette majoration peut être réduite jusqu’à 10 %, à condition qu’aucun accord de branche ne l’interdise.

Demain

La durée légale est toujours fixée à 35 heures. A charge, pour le chef d’entreprise, de fixer, par  accord avec les syndicats, le taux de majoration, sans pouvoir descendre, comme aujourd’hui, en-dessous de 10 %. Mais un accord de branche ne pourra plus s’y opposer. A défaut d’accord d’entreprise ou de branche, la majoration restera à 25 % pour les huit premières heures et 50 % au delà. 

 

3. Double peine pour les personnes salariées à temps partiel (art. 3)


Des salaires encore plus faibles

Aujourd’hui 

La règle de majoration des heures complémentaires était définie pour les temps partiels dans la loi de la manière suivante:

  • 10% dans la limité d’1/10ème des heures contractuelles
  • 25% au delà d’1/10ème.

Un accord de branche pouvait déroger à cette règle et majorer l’ensemble des heures complémentaires à 10%. Notons que cette règle était déjà discriminatoire par rapport à ce qui prévaut pour les heures supplémentaires des salariés à temps plein.

Rappelons que les salarié-es à temps partiel sont à 80% des femmes. 

Demain

Le projet de loi enfonce pourtant le clou et prévoit désormais que le taux de majoration des heures complémentaires est de 10%.

Des délais de prévenance plus courts

Aujourd’hui 

Les délais de prévenance sont de 7 jours sauf s’il y un accord de branche ou d’entreprise, qui ne peut pas fixer une durée inférieure à 3 jours.  

Demain

Le projet de loi prévoit que les changements d’horaire des salarié-es à temps partiel sont possibles dans un délai de prévenance de 3 jours

 

4. La durée des congés légaux renvoyée à la négociation, sauf pour les congés liés à des évènements familiaux (art. 4) 

Aujourd’hui 

La loi définit la durée minimum des congés légaux. Un accord de branche ou d’entreprise ne peut être que plus favorable que ce minimum 

Demain

 La durée minimum de ces congés, le nombre de renouvellements, les conditions d’ancienneté pour en bénéficier, les délais de prévenance ne sont  plus définis par la loi mais par accord collectif. Par exemple :

  • Congé de proche aidant :
    Aujourd’hui : durée de 3 mois minimum, renouvelable
    Demain : cette durée peut être plus faible par accord d’entreprise ou de branche
  • Congé de solidarité familiale : utilisé lorsqu’un proche est en phase avancée ou incurable d’une maladie grave,
    Aujourd’hui : 3 mois renouvelable
    Demain : cette durée peut être plus faible par accord d’entreprise ou de branche
  • Congé pour catastrophe naturelle :
    Aujourd’hui : durée de 20 jours
    Demain : cette durée peut être plus faible par accord d’entreprise ou de branche
  • Congé sabbatique :
    Aujourd’hui : Durée minimum de 6 mois et maximum de 11 mois. L’employeur ne peut refuser que si : dans une entreprise de moins de 200 salariés, il démontre que ce congé aura des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l’entreprise
    Demain : cette durée peut être plus faible par accord d’entreprise ou de branche
    Les possibilités de refus pour l’employeur sont élargies :
    1. Il n’est plus obligé de motiver son refus
    2. Le seuil où Il peut invoquer des conséquences sur la bonne marche de l’entreprise est élevé à 300.
  • Congés payésl’employeur pourra imposer un changement de date au dernier moment

    Aujourd’hui : la loi prévoit que l’employeur doit prendre en compte la situation familiale des salarié-es pour définir les dates de congés payés. 1 mois avant le départ du ou de la salarié-e, l’employeur n’a plus le droit de changer l’ordre et les dates de départ. 
    Demain: La prise en compte de la situation de famille, ainsi que le délai d’un mois avant le départ en deçà duquel l’employeur ne peut modifier l’ordre et les dates de départ ne sont plus que des dispositions « supplétives ». Elles peuvent donc être remises en cause par voie d’accord d’entreprise ou de branche.

 

5. Le forfait jour étendu (art. 3 et 7)

Aujourd’hui 

La France est le seul pays d’Europe a avoir un dispositif de forfaits jours qui permet que le temps de travail ne soit plus défini en heures mais en jours, sans apporter de protections sérieuses contre les durées ou charges de travail excessives. C’est la raison pour laquelle la France a été condamnée à 4 reprises par le Comité Européen des Droits Sociaux, que la Cour de cassation a annulé 11 accords de branches et appelé le législateur à se mettre en conformité avec le droit européen. Les forfaits jours concernent déjà 50% des cadres et 13,5% des salariés et les conduits à travailler 46h30 en moyenne au mépris de leur santé et de leur vie personnelle. 

Demain

Le dispositif est assoupli et les employeurs sont sécurisés.

  • Les entreprises de moins de 50 salariés pourront le mettre en place par simple accord d’un-e salarié-e mandaté-e. Reste à savoir si cet accord pourra déroger à l’accord de branche et prévoir par exemple davantage de jours travaillés ou moins de contrôle de la charge de travail.
  • L’obligation de résultat de l’employeur en matière de santé et de sécurité est remise en cause : il ne pourra plus être tenu pour responsable si un-e salarié ne prend pas ses heures de repos ou ses jours de congés. Comme si les cadres travaillaient pendant leurs congés par choix personnel !

 

6. Le fractionnement des 11 heures de repos quotidien : reculer pour mieux sauter (art. 26)

Aujourd’hui 

La loi impose 11 heures de repos consécutives chaque jour. 

Demain

 « Le projet de loi annonce une concertation avant octobre 2016, qui portera sur le télétravail et sur l’évaluation de la charge de travail des salariés en forfait jours ainsi que sur la prise en compte des pratiques liées à l’outil numérique pour mieux articuler la vie personnelle et la vie professionnelle, ainsi que l’opportunité et le cas échéant, les modalités du fractionnement du repos quotidien ou hebdomadaire de ces salariés. »


7. Le temps de travail calculé sur trois ans 

Aujourd’hui 

Pour neutraliser le paiement des heures supplémentaires sur la semaine (au-delà de 35 heures), les chefs d’entreprise peuvent moduler – et donc calculer – le temps de travail sur une période plus longue. Sur un an avec l’accord des syndicats (les heures sup sont alors payées au-delà de 1 607 par an), sur un mois maxi en l’absence d’accord (heures sup payées au-delà de 151,6 heures par mois). 

Demain

Par accord de branche (un accord d’entreprise suffisait avant les annonces de Valls du 14 mars) cette modulation pourra se faire sur une période allant jusqu’à trois ans. En l’absence d’accord, elle ne pourra dépasser un mois comme aujourd’hui, sauf pour les PME qui comptent moins de 50 salariés, qui pourront aller jusqu’à seize semaines, soit quatre mois, sous réserve d’avoir un accord validé par un-e salarié-e mandaté-e.


8. Le temps de travail calculé sur 9 semaines (art. 3)

Aujourd’hui 

Dans les entreprises de moins de 50 salarié-es, l’employeur peut décider de façon unilatérale de moduler le temps de travail sur un mois 

Demain

Dans les entreprises de moins de 50 salarié-es, l’employeur pourra décider de façon unilatérale de moduler le temps de travail sur 9 semaines , reportant d’autant le déclenchement d’heures supplémentaires.  

 

9. Les astreintes décomptées du temps de repos (art. 3)

Aujourd’hui 

La France a été condamnée par le Comité européen des Droits Sociaux qui impose que les temps d’astreintes s’ajoutent aux temps de repos. 

Demain

Au lieu de modifier le code du travail, le projet de loi El Khomri s’assoit sur la réglementation européenne et prévoit que les temps d’astreinte peuvent être décomptés des temps de repos. De plus, avec le projet de loi, les employeurs ne seront plus obligés de prévenir les salariés de leurs astreintes 15 jours à l’avance.

 

10. La blague : un droit à la déconnexion a minima, reporté au 1er janvier 2018 (art. 25)

Aujourd’hui 

75% des salariés se connectent pour travailler en-dehors de leur temps et lieu de travail, 50% des cadres travaillent pendant leurs jours de congés, 30% de déconnectent jamais. L’UGICT-CGT propose depuis 2 ans la mise en place d’un droit à la déconnexion avec des trêves de mails obligatoires pour garantir les temps de repos, des systèmes de report de la charge de travail, et une négociation obligatoire dans l’entreprise sur l’utilisation des outils numériques

Demain

Le droit à la déconnexion fait son entrée à minima. Il est intégré à la négociation sur la qualité de vie au travail (sans obligation de définir des périodes de trêve de mails) et renvoyé pour les entreprises de plus de 300 à des chartes d’entreprises qui sont rédigées par l’employeur sans négociation et n’ont pas de valeur contraignante. Cerise sur le gâteau, ces dispositions pourtant minimalistes ne s’appliquent pas avant… juillet 2017

 

La casse dans la démocratie sociale dans l’entreprise 

11. Le référendum pour contourner les syndicats (art. 12) 

Aujourd’hui 

Un accord n’est valable que s’il est signé par un ou plusieurs syndicats représentant au moins 30 % des votes exprimés aux élections et si les autres organisations pesant au moins 50 % ne s’y opposent pas. Ils sont conclus pour une durée illimitée. 

Demain

Un accord d’entreprise pourra être conclu s’il est paraphé par des organisations représentant au moins 50 % des salariés. Si elles ne sont que 30 %, elles pourront alors demander l’organisation d’une consultation des salariés. Si le référendum va dans le sens d’un accord, ce dernier sera alors validé et les autres syndicats, même s’ils pèsent 70 % du nombre de salariés, ne pourront plus s’y opposer. Autrement dit, le droit d’opposition des syndicats majoritaires est supprimé et remplacé par le référendum d’entreprise. Cette disposition s’appliquera dans un premier temps au temps et à l’organisation du travail, et sera étendue ensuite.  

 

12. Le groupe pour contourner la négociation d’entreprise, de branche, et d’établissement (art. 14)

Aujourd’hui 

Les niveaux de négociations reconnus par la loi sont

  • l’échelon interprofessionnel, qui donne lieu à des Accords Nationaux Interprofessionnels qui sont ensuite éventuellement transposés dans la loi
  • la branche
  • l’entreprise et l’établissement.

Des accords de groupe sont possibles, mais sans règles de négociations ou de critères de représentativité précis. Il ne peuvent primer sur les accords de branche ou d’entreprise. Avec la financiarisation de l’entreprise, le périmètre des groupes évolue très vite, au gré des rachats, filialisations et montages financiers organisés par les actionnaires.

Demain

 – Toutes les négociations prévues au niveau de l’entreprise (sans exception) peuvent être menées au niveau d’un groupe, selon les mêmes modalités. Les accords se substituent alors d’office aux accords d’entreprise conclus avant ou après.

– De même, les accords d’entreprise « écrasent » les accords d’établissement.

– C’est donc la liberté totale pour le patronat de choisir le périmètre de négociation qui lui est le plus favorable.

 

13. Les accords d’entreprise auront maintenant une durée de vie de 5 ans maximum (art. 9)

Aujourd’hui 

Un accord a une validité permanente sauf disposition inverse ou dénonciation par une des parties. Les « avantages acquis » pour les salarié-es dans l’accord s’appliquent jusqu’à ce qu’il y ait un nouvel accord 

Demain

Les accords (et les « avantages acquis ») cesseront de s’appliquer automatiquement tous les 5 ans, même s’il n’y a pas de nouvel accord. Ainsi, le rapport de force est encore une fois du côté de l’employeur, qui pourra beaucoup plus facilement imposer une renégociation de l’accord sur des bases plus faibles, l’accord précédent étant automatiquement périmé. 

 

14. En cas de dénonciation d’un accord par l’employeur, il n’y a plus de garantie de maintien des « avantages acquis » jusqu’à ce qu’il y ait un nouvel accord (art. 10) 

Aujourd’hui 

L’employeur peut, à tout moment, dénoncer un accord. Cependant, il y a un préavis de 3 mois qui permet aux organisations syndicales d’informer les salarié-es et de préparer les renégociations. Les « avantages acquis » pour les salarié-es dans l’accord continuent à s’appliquer jusqu’à ce qu’il y ait un nouvel accord.

Demain

La renégociation commence tout de suite sans attendre les 3 mois de préavis actuels et les dispositions de l’accord cessent tout de suite de s’appliquer. Le pouvoir unilatéral de l’employeur est considérablement renforcé puisqu’il peut imposer quand il veut une renégociation des accords sans que les salarié-es aient la garantie que tant qu’il n’y aura pas d’accord, ce sont les dispositions antérieures qui continuent. De plus, cet article ouvre la possibilité aux élus non mandatés par les organisations syndicales représentatives de demander la révision d’un accord signé par des organisations syndicales représentatives.

 

15. La périodicité des NAO (salaire, égalité professionnelle, qualité de vie au travail…) peut devenir triennale 

Aujourd’hui 

La loi Rebsamen de 2015 permet que les Négociations Annuelles soient seulement organisées tous les 3 ans sous réserve qu’il y ait un accord majoritaire d’entreprise.  

Demain

Il suffira d’un accord de branche (validé par 30% des organisations syndicales) pour que les négociations annuelles deviennent triennales. Cette disposition va amplifier les logiques d’austérité salariale. Elle a un impact très négatif pour l’égalité F/H car les mesures de suppression des écarts F/H qui doivent être prévues par la NAO salaire seront reportées d’autant. Aujoutons qu’aujourd’hui, dans près de 50% des cas, en l’absence d’accord, les entreprises adoptent un plan d’action unilatéral sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail, ce qui leur permet de ne pas être pénalisées par des sanctions. Ce plan d’action ne dure aujourd’hui qu’un an, il pourra demain durer 3 ans. 

 

16. L’employeur peut s’opposer unilatéralement à la publication d’un accord (art. 9) 

Aujourd’hui 

Est prévue la publicité de l’ensemble des accords d’entreprise sur une base de données nationale. Les accords d’entreprise sont rendus publics par défaut. Cependant, l’employeur peut s’opposer à cette publicité pour des raisons de non-divulgations d’informations sensibles sur la stratégie de l’entreprise. 

Demain

L’employeur pourra s’opposer, unilatéralement et sans argumenter, à la publication d’un accord. Cette disposition est scandaleuse et totalement contraire au paritarisme et à l’égalité des parties. En matière d’égalité professionnelle, la transparence joue un rôle moteur. Pour pouvoir s’appuyer dans les négociations sur les avancées obtenues ailleurs, ou dénoncer telle ou telle entreprise qui discrimine et dont les accords sont très insuffisants. L’entreprise a aussi une responsabilité sociale et sociétale, à ce titre il est normal que l’ensemble des citoyens et citoyennes puissent connaître sa politique et ses engagements.

 

17. L’employeur peut décider unilatéralement d’organiser les élections par voie électronique

Aujourd’hui 

Les modalités d’organisation des élections doivent être négociées avec les syndicats dans le cadre du protocole électoral. L’organisation par voie électronique ne peut pas être imposée par l’employeur

Demain

L’employeur pourra décider unilatéralement, sans accord avec les syndicats, d’organiser les élections par voie électronique

 

Sécurisation des licenciements abusifs 

18. La généralisation du chantage à l’emploi (art. 13)

Aujourd’hui 

En cas de difficultés conjoncturelles, un employeur peut négocier avec les syndicats un accord de «maintien de l’emploi» pouvant prévoir des baisses de salaires et / ou une hausse du temps de travail, pour une durée de cinq ans maximum. Si le salarié refuse l’application de l’accord, il peut être licencié pour motif économique. Risque pour l’employeur : voir ce motif contesté devant le juge et être condamné à verser de lourdes indemnités.

Demain

En plus du dispositif précédent, de nouveaux types d’accords pourront être conclus ayant pour but la «préservation» ou le «développement» de l’emploi. Ils ne seront donc pas limités aux entreprises en difficulté. Ces seuls motifs permettront d’imposer aux salariés la baisse des garanties prévues par leur contrat de travail (rémunération, temps de travail…). Grosse nouveauté en revanche : si un salarié refuse de voir son contrat de travail modifié suite à cet accord, il sera licencié selon les règles du licenciement pour motif personnel. Une disposition qui permet de sécuriser la procédure pour l’employeur. En effet, la «cause réelle et sérieuse» du licenciement sera impossible à contester devant le juge (à la différence du motif économique) puisqu’elle sera constituée par le refus même du salarié de se voir appliquer l’accord. Cette disposition, en contradiction avec les normes internationales (convention 158 de l’OIT) permettra de tirer vers le bas les qualifications et de généraliser les logiques de déclassement.

 

19. Les licenciements pour motif économique encore facilités (art. 30 bis) 

Aujourd’hui 

Un licenciement pour motif économique n’est valable qu’en cas de fermeture d’entreprise, de réorganisation nécessaire au maintient de la compétitivité, de mutations technologiques ou de difficultés économiques. Si l’entreprise est incluse dans un groupe, la réalité de ces difficultés est appréciée dans le secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise.

Demain

Une baisse du chiffre d’affaire ou du montant des commandes pendant quelques mois suffira à le justifier. De plus, l’examen des difficultés économiques d’une entreprise appartenant à un groupe sera limité aux entreprises du groupe implantées en France, même si le secteur d’activité du groupe est fortement bénéficiaire dans sa totalité. Rappelons que les conséquences d’un licenciement pour cause économique, souvent étendues aux sous-traitants et à l’ensemble de la population d’un bassin d’emploi… sont à la charge de la collectivité. 

Dans la nouvelle version du projet de loi, il est dit que « des difficultés créées artificiellement » ne pourront justifier un licenciement pour motif économique ! En pratique, le juge n’aura aucun moyen de le vérifier.

 

20. La possibilité de licencier des salariés en cas de reprise d’entreprise (art. 41) 

Aujourd’hui 

En cas de reprise d’une entreprise ou filiale de plus de 50 salarié-es, le repreneur est tenu de maintenir l’ensemble des contrats de travail. 

Demain

L’employeur pourra licencier une partie des salariés juste avant le transfert au motif qu’une reprise est envisagée « pour sauver certains emplois ». Le maintien des contrats avec le repreneur ne s’impose que pour ceux qui n’auront pas été licenciés avant « la date d’effet du transfert ». L’exposé des motifs du projet de loi indique que cette disposition est « limitée » aux entreprises de plus de 1000 salarié-es, cependant, dans la rédaction de l’article 41, elle s’applique toujours à l’ensemble des entreprises.

 

La formation professionnelle au service des employeurs

21. Financement des Centres de Formation des Apprentis hors contrat par la taxe d’apprentissage (art. 32)

Aujourd’hui 

La taxe d’apprentissage n’est accessible qu’aux établissements reconnus par l’Etat, ce qui garantit la qualité de la formation et de l’encadrement. Des établissements privés y ont accès, sous réserve d’être reconnus par l’Etat, ce qui assure un contrôle sur le contenu de l’enseignement (laïcité…), une indépendance (certes relative) vis-à-vis des intérêts patronaux, et empêche des frais de scolarité trop élevés.

Demain

Les établissements privés, confessionnels ou patronaux non reconnus par l’Etat pourront avoir accès à la taxe d’apprentissage, ce qui subventionnera encore plus leur développement, au détriment des établissements publics, et surtout des apprenti-es…

 

22. Le contrat de professionnalisation ne sera plus forcément qualifiant (art. 33)

Aujourd’hui 

Le contrat de professionnalisation débouche sur l’obtention d’une qualification, qui est ensuite reconnue d’un point de vue salarial dans les conventions collectives.

Demain

Pour les publics demandeurs d’emploi et les adultes les moins qualifiés, le contrat de professionnalisation pourra se limiter à l’obtention d’un simple bloc de compétences faisant l’objet d’un consensus ponctuel entre l’employeur et le salarié. 


 

La casse de la médecine du travail

 

23. Suppression de la visite médicale d’embauche obligatoire (art. 44)

Aujourd’hui 

La visite d’aptitude d’embauche est obligatoire pour l’ensemble des salarié-es.

Demain

Le suivi médical est concentré sur les seuls salariés dits à risque et la visite d’aptitude d’embauche est supprimée. Une vraie politique de santé passerait par une augmentation du nombre de médecins du travail !

 

24. Changement de mission de la médecine du travail

Aujourd’hui 

La loi de 1946 sur la médecine du travail institue un contrôle étroit de la puissance publique sur la médecine du travail laquelle repose sur trois grands principes :

  • Son action se déploie dans l’intérêt exclusif de la santé de chaque  travailleur.
  • Le travail étant un facteur de santé, la possibilité du maintien au travail est un des objectifs de l’institution.
  • Toute décision du médecin du travail qui aurait une influence sur la santé du travailleur est arbitrée par la puissance publique.

Demain

Le médecin du travail devrait dorénavant attester de « la capacité du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise » et « de s’assurer de la compatibilité de l’état de santé du travailleur avec le poste auquel il est affecté ». Il s’agit clairement d’une sélection médicale par la santé sans projet de prévenir les conditions de travail dangereuses. Cela est contraire à l’exercice clinique des médecins du travail, en référence au code de la santé publique ! 

Actuellement, la mission du médecin du travail inscrite dans la loi est inverse. C’est le travail qu’il se propose d’analyser et modifier si besoin et non les éléments présents de la santé du salarié qui devraient être conformés à des tâches existantes potentiellement dangereuses pour lui. En cas d’incompatibilité pour la santé il lui appartient de proposer des alternatives qui permettent le maintien au travail.

D’après ce projet le médecin du travail doit « éviter (…) tout risque manifeste d’atteinte à la sécurité des tiers… ». Or, la relation médicale ne saurait concerner des tiers autrement que lorsque ceux-ci peuvent interférer avec la santé de ce patient. Ce qui doit être privilégié concernant la prévention médicale est la construction d’une relation médicale de confiance, essentielle pour les risques engageant la sécurité ou la sureté ! Un médecin construit un diagnostic individuel, ce qui ne permet pas des conclusions générales pertinentes sur des tiers hypothétiques. Tout acte médical a un caractère instantané et non prédictif et est impuissant en matière de prévention autre que celle de la santé du salarié examiné. On peut donc considérer que le seul objet de cette  nouvelle mission impossible,  est de décharger la responsabilité de l’employeur en matière de sécurité.

 

25. Plein pouvoir aux employeurs pour contester l’avis du médecin du travail

Aujourd’hui 

Si l’employeur veut contester un avis d’inaptitude du médecin du travail, il doit saisir l’inspecteur du travail, lequel diligente une expertise médicale effectuée par le Médecin inspecteur régional du travail. Celui-ci rédige un rapport (avis) à destination de l’inspecteur du travail après rencontre avec le médecin du travail, examen du dossier médical et examen médical du salarié. Cette procédure donne possibilité à deux appels l’un auprès du ministre l’autre auprès du tribunal administratif. L’état est ici le garant du droit à la protection de la santé et du droit à travailler. Il relève de son obligation régalienne d’arbitrer ce droit en cas de contestation. 

Demain

Le projet vise à retirer la compétence de la puissance publique en confiant la contestation au tribunal des prud’hommes et par son entremise à un expert devant les tribunaux, généralement sans aucune connaissance en santé au travail. Or, il ne s’agit pas d’un problème contractuel arbitré par le tribunal des prud’hommes mais d’un droit fondamental qui doit, par conséquent, être arbitré par la puissance publique. Quel expert serait plus qualifié que le médecin inspecteur du travail ? Alors que l’Etat prétend simplifier les procédures en milieu de travail, il institue ici une procédure bien plus lourde dans une voie juridictionnelle elle-même en réforme ce qui supprime une partie des droits des travailleurs.

 

Les privé-es d’emplois encore précarisés

26. Trop perçu : pôle emploi peut prélever directement sur les allocations chômage

Aujourd’hui 

Lorsque Pôle emploi estime avoir fait une erreur dans le versement des allocations chômage et qu’il souhaite récupérer la somme versée, la saisie d’un juge est obligatoire. Cela permet de vérifier que les sommes ont effectivement été trop versées (parfois non !) et permet également au chômeur ou à la chômeuse de s’organiser pour le reversement (par exemple d’obtenir un étalement).

Demain

Pole emploi n’aura plus besoin de saisir le juge et pourra prélever directement sur les allocations chômage des mois suivants le trop perçu. Conséquence, si pôle emploi a fait une erreur, c’est au demandeur d’emploi d’engager une procédure judiciaire pour obtenir à nouveau le versement. Dans tout les cas, le demandeur d’emploi peut se retrouver de’un mois sur l’autre avec une baisse très importante de ses ressources et aura beaucoup plus de difficultés à obtenir d’étalement du remboursement.

 

27. Non prise en compte des périodes d’emploi déclarées tardivement

Aujourd’hui 

Lorsqu’un demandeur d’emploi ne déclare pas des périodes de travail à la fin du mois, Pôle emploi est obligé de tenir compte de celles-ci en recalculant la durée d’indemnisation restante et le montant des allocations chômage.

Demain

Pôle Emploi n’aura plus à prendre en compte les périodes d’emploi déclarées tardivement. Cette situation est particulièrement préjudiciable pour les salariés amenés à faire des vacations dans le public : il faut parfois attendre des mois pour être payé. Si le demandeur d’emploi immédiatement déclare sa période de travail, Pôle Emploi lui demandera le montant du salaire pour diminuer le montant de l’allocation chômage. N’étant pas payé à cette date, le demandeur d’emploi se trouvera sans ressource. A l’inverse, si le demandeur d’emploi attend, la période de travail ne pourra plus être prise en compte pour obtenir de nouveaux droits, en revanche, le remboursement des allocations chômage restera dû !

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