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…Michel Vakaloulis, maître de conférence en sciences politiques à Paris VIII, travaille depuis longtemps avec l’Ugict. Son Enquête sur les jeunes diplômés au travail et leur représentation collective fait suite à une précédente étude sur le militantisme syndical des jeunes ingénieurs cadres et techniciens.
Ce travail se situe dans une double perspective : le rapport au travail, l’ acquisition des compétences et l’engagement générationnel où la réussite peut véhiculer certaines valeurs sociales, ce qui nuance l’individualisme des jeunes générations.
Dans leur grande majorité, les jeunes restent attachés à l’utilité de leur métier et acceptent une mobilité accrue en début de carrière. Ils sont culturellement familiarisés avec le court terme, mais témoignent aussi d’une incertitude quant à la réalisation de leurs objectifs.
Pour Michel Vakaloulis, la crise actuelle, « si elle exacerbe le ressenti ne fait pas pour autant des jeunes des anti-capitalistes, en revanche le débat micro-macro économie est désormais présent, installé et n’est plus réservé aux seuls dirigeants ».
Croient-ils pour autant au renversement du rapport de force par une action collective ? La démarche semble complexe entre la frustration et le désir d’engagement. Pourtant, affirme le chercheur, l’action syndicale apparaît plutôt positive. Le syndicat conserve son rôle d’informateur sur l’entreprise, face au glissement du sens. Son rôle de représentation et porte-parole des salariés reste toujours présent. Enfin, il assure un contre-pouvoir dans l’entreprise. « Ce regard bienveillant est exigeant, mais ils ne voient pas l’intérêt d’y adhérer » constate Michel Vakaloulis.
En effet, l’image caricaturale du syndicat réfractaire aux revendications de l’encadrement persiste. La connotation ouvriériste du mouvement syndical perdure, d’autant qu’ils ne s’estiment pas sollicités par les organisations lorsqu’elles sont présentes.
La crainte de s’exposer face aux directions et de porter atteinte à leur déroulement de carrière est aussi présente.
Michel Vakaloulis soulève la question de la modernité et de l’efficacité d’un syndicalisme de l’encadrement capable d’ouvrir des perspectives collectives et de proposer un projet syndical cohérent sur les droits spécifiques et généraux.
Parallèlement, des formes d’actions plus radicales apparaissent, exposées par Isabelle Sommier, professeur de sociologie à Paris I. C’est le cas, en effet des alter mondialistes et d’autres microgroupes déployant une action contestataire, la plupart du temps parisienne et surtout à destination des médias.
Quelle est la légitimité, par exemple de Génération précaire, crée en 2005, pour obtenir une régulation des stages ? « Génération précaire n’a pas de légitimité, mais seulement la légitimité par défaut » explique Julien Bayou un des fondateurs, il fallait aussi répondre aux cyniques qui disaient : passe ton bac +5 d’abord ».
Le syndicalisme est de plus en plus nécessaire estime-t-il tout en posant la question de l’articulation entre deux natures d’action : l’une ludique, nourrie d’un certain hédonisme, l’autre revendicative et institutionnelle. Pour lui, le syndicat doit aller trouver les jeunes hors de l’entreprise, puisque par définition ils n’y sont pas.
« Ça devient hyper urgent » conclut Julien Bayou.
« Cette initiative participe de notre activité syndicale et dans toute la CGT. Répondre aux attentes des jeunes est pour nous un axe stratégique » conclut Jean-François Bolzinger, secrétaire général adjoint de l’Ugict. « Il existe un paradoxe. Nous nous battons pour les embauches, mais les jeunes sont utilisés pour faire du dumping social. Il faut travailler les intérêts communs entre les générations » poursuit-il.
Aujourd’hui, se pose la problématique du lien entre formation et travail tout au long de la vie et celle de l’engagement, car la coupure entre le travail et le non-travail a sauté. La lutte contre le CPE a à cet égard été exemplaire : contre la précarité et ancrée dans la vie.
« Ce n’est pas à un changement d’âge auquel nous avons à faire, mais bien à un changement de génération. En 1968, il y avait une radicalité idéologique, aujourd’hui il y a une radicalité pragmatique » analyse Jean-François Bolzinger.
Pour le syndicalisme se pose la question de l’individualisme, du droit individuel garanti collectivement. Il faut que le syndicalisme se transforme, régénéré par une jeunesse qui se trouve dans ces conditions là. La dynamique d’action des jeunes syndiqués est du même ordre que celle Génération précaire où l’action est première « La démarche syndicale est plus claire que les projets des partis politiques de gauche. L’avenir du syndicalisme se joue comme se joue l’avenir de la jeunesse » conclut Jean François Bolzinger.