D’une industrie productiviste à une industrie ouverte sur la société

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D’une industrie productiviste à une industrie ouverte sur la société
Quel tournant pour l’industrie à l’heure de la crise et des défis environnementaux? Qu’est-ce que le capitalisme vert ou encore l’écologisme industriel? Quels sont les enjeux pour l’emploi ? Comment conjuguer, l’écologie, l’industrie, le social et le développement durable?

En abordant le thème des relations entre écologie et industrie, on pouvait s’attendre à une confrontation entre tenants d’une décroissance salutaire à l’humanité et les partisans du productivisme, les deux camps revendiquant la solution à la sortie de la crise écologique. Pourtant les débateurs, dans un premier temps, affichèrent des analyses assez proches.

Remise en cause du système économique pour Aurélie Trouvé, présidente d’ATTAC, nécessaire changement de paradigme pour Bernard Chambon, président de l’Union des Industries Chimiques, mutation durable de l’industrie pour Marie-José Kotlicki. Peu d’aspérités et « beaucoup de convergences dans les discours» fera remarquer la secrétaire générale de l’UGICT-CGT. Mais la question est complexe. Si le consensus apparent atteste de la prise de conscience, par tous les acteurs, du nécessaire virage rapide et serré de l’industrie avant des crises majeures, il éclate rapidement sur les moyens pour y parvenir.

Recherche, investissements, emploi, gouvernance…Chacun veut actionner les mêmes leviers, mais dans un sens différent.

Pour Aurélie Trouvé: « Nous assistons à un recul écologique avec l’abandon de l’écotaxe et de la taxe carbone, comme le laissait supposer la déclaration de Nicolas Sarkozy au salon de l’agriculture : l’environnement, ça commence à bien faire». La présidente d’ATTAC, constate que le capitalisme a, une fois de plus, contourné l’obstacle en discréditant les travaux du GIEC qui préconise une baisse de 50% de l’émission des gaz à effets de serre. En fait, il faudrait une reconversion écologique qui entraînerait une baisse de la consommation d’énergie. Le marché trouve ses propres solutions avec l’instauration du marché carbone un « écologisme industriel ». Le système développe ses propres stratégies d’un « capitalisme vert », multipliant les nouvelles sources de profit, avec plus ou moins de bonheur et d’effets pervers comme la concurrence entre agriculture vivrière et agriculture industrielle destinée à la production d’agro carburants.

Aurélie Trouvé en arrive à la conclusion « qu’il faut des contraintes publiques et ne pas opposer l’écologie au social, car les victimes sont les plus fragiles, ou les travailleurs qui ne peuvent pas se protéger».La relocalisation des activités lui semble aussi un des axes essentiels du développement durable en réduisant les coûts des transports tout en garantissant des conditions de production réglementées, en préservant la richesse et la diversité des savoirs faire. «Une taxe globale kilométrique pourrait financer cette reconversion d’ensemble » avance Aurélie Trouvé. Bernard Chambon, président de l’Union des Industries Chimiques n’est pas loin de partager l’analyse d’Aurélie Trouvé lorsqu’il déclare: « Le Grenelle a joué l’écologie contre le social. Que sont les métiers verts ? Certains métiers vont disparaître. La gestion de transition est un triptyque économie, écologie, social».

Il constate que : « Nous sommes devant une nouvelle révolution et l’industrie doit développer des solutions techniques ou en trouver : usines propres, matières premières renouvelables. Pour atteindre cet objectif, la politique doit être cohérente et développer les moyens, notamment dans la R & D. Cependant, le poids respectif des pays en fonction de la croissance est différent» et l’échec de Copenhague a confirmé l’isolement d’une Europe qui représentera moins 15 % de l’économie mondiale en 2020.

Plus grave, sur les nouvelles technologies vertes, la compétition internationale est ouverte depuis longtemps et les Chinois ne sont pas en reste dans le domaine. Bernard Chambon souhaite que les pouvoirs publics jouent le rôle d’aiguillon. « Le marché ne va pas spontanément vers le long terme». «Comment aborder la mutation du développement durable de l’industrie? » interroge Marie-José Kotlicki. Nous avons déjà alerté contre le productivisme à outrance qui débouche sur la dégradation des conditions de travail et sociales.

Nous ne sommes pas consuméristes, mais pour la satisfaction des besoins sociaux, nous nous interrogeons sur le type de notre croissance.

Elle déplore que les États généraux de l’industrie aient confirmé le même type de développement, condamnant ainsi «une réelle dynamique industrielle et encore plus une dynamique industrielle écologique». «Nous restons dans une spécialisation spéculative de l’industrie, dans la recherche de niches de productivité à court terme, disjointes des socles de production. Sans se soucier de la perte de capacités et de compétitivité». Elle s’interroge sur l’emploi vert annoncé à grands renforts d’autosatisfaction gouvernementale.

D’après plusieurs rapports forcément concordants, le développement durable devrait entraîner la création de 600000 emplois d’ici 2020. «Après la carbonisation du Grenelle 2 sous la pression du lobbying, les financements prévus pour la mise en place de cette politique ont disparu avant d’avoir existé. Il faut 450 milliards d’euros, dont 170 financés par l’État, sans oublier les collectivités territoriales amputées de la taxe professionnelle et sans parler du transfert des charges issues de la décentralisation». Comme Bernard Chambon, Marie-José Kotllicki s’inquiète : « Quelle est la nature de ces emplois ? Correspondent- ils à de nouvelles niches de productivité à très court terme? Est-ce une re spécialisation de l’ensemble de filières? Comment croiser une vision globale industrielle et territoriale et quelle pourra être l’intervention des pouvoirs publics pour assurer une cohérence du réseau industriel et surtout agir contre de nouveaux risques d’inégalité territoriale? »

Aurélie Trouvé, quant à elle, juge le marché incapable de trouver une solution à la crise écologique et l’orientation des investissements s’impose. «Les syndicats tiennent une place importante. Cependant, il faut une compréhension mutuelle entre les organisations syndicales et environnementales. Le court terme est antagoniste à l’environnement, il nous faut établir un rapport de force». Bernard Chambon, lui, craint la vitesse de la transition, alors que la France perd des milliers d’emplois. Il insiste sur la création d’un climat favorable aux nouvelles technologies, mais sans l’établissement des règlements trop prudents.

Enfin, Marie-José Kotclicki réaffirme la nécessité de concevoir un nouveau modèle économique pour l’industrie. «Verdir l’industrie ne veut pas dire la détruire» dit-elle en citant l’exemple des énergie éolienne et solaire qui peuvent être l’occasion de retisser un tissu industriel. « Le tournant écologique est une opportunité pour créer de nouvelles logiques de productions et des stratégies industrielles, soutenues par un réel investissement public pour la recherche. Il faut aussi imposer de nouveaux droits pour l’ensemble du salariat permettant l’avis et l’expression sur les stratégies.

Exercer sa responsabilité sociale, c’est exercer un rôle contributif. Il faut aussi créer de nouveaux indicateurs qui prennent en compte les trois éléments, le social,éléments, le social, l’écologie et l’économie, développer de nouvelles pratiques internes avec un mode de management alternatif et externes en modifiant les rapports des donneurs d’ordre avec la sous-traitance.

Il faut un renouveau industriel pour les services publics, les filières et les territoires » conclut la secrétaire générale de l’UGICT-CGT.

Table Ronde “écologie et industrie” organisée à l’occasion des Rencontres d’Options du 5 mai 2010.

 

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