Pour en savoir plus
Sommaire :
A/ Un calendrier très serré [voir ↓]
B/ 1er thème de concertation :
L’inversion de la hiérarchie des normes…
partout [voir ↓]
C/ 2e thème de concertation :
le contournement des syndicats pour
un dialogue social au bénéfice de l’employeur [voir ↓]
D/ 3e thème de concertation :
la fin des protections contre le licenciement
et la précarité… : le CDI, c’est fini ! [voir ↓]
La stratégie de l’opacité poursuivie par Emmanuel Macron sur la réforme du code du travail a été bouleversée par les révélations du Parisien puis de Libération. Le Parisien a publié lundi 4 juin le pré projet de loi d’habilitation du gouvernement à réformer par ordonnance (+ LIEN), démontrant que le gouvernement voulait aller bien plus loin que les intentions larges et floues affichées dans sa campagne
Réponse du gouvernement : il s’agit d’un document de campagne rédigé par un « juriste isolé »…Bizarrement, le document est daté du 12 mai 2017 (soit 7 jours après la fin de la campagne) et il s’agit de l’intégralité du projet de loi d’habilitation à réformer par ordonnances. Pour un juriste isolé, chapeau !
La note de cadrage de la concertation publiée par le gouvernement le 5 juin précise un seul des éléments publiés par le Parisien : la réforme de l’assurance chômage ne sera pas réalisée par ordonnances. Pour le reste aucun démenti.
Pire, le 5 juin au soir, Libération a publié de nouveaux documents qui confirment et amplifient les révélations du Parisien. Datés du 27 mai, ils émanent de l’administration du ministère du travail et recensent les réponses apportées aux demandes du cabinet du ministère. Ils sont organisés en 3 parties qui correspondent aux 3 thèmes de la concertation.
Réponse de la Ministre : il ne s’agit pas des demandes du cabinet mais de celles des partenaires sociaux. Etonnement, ces demandes reprennent intégralement les propositions du MEDEF et on peine à trouver la trace d’une proposition syndicale…Après ce déni, changement de stratégie de la Ministre qui a porté plainte pour vol et recel de documents.
Au lieu de répondre aux questions de fond, rien de tel que de remettre en cause la liberté de la presse et de lancer une chasse aux sorcières dans son administration pour museler encore plus les hauts fonctionnaires…
Un calendrier très serré
Les concertations sont découpées en 3 thèmes
- Du 9 au 23 juin : « L’articulation des niveaux de négociation et les possibilités d’intervention de la négociation collective pour donner de la capacité d’initiative aux salariés ». Ce thème correspond à la 3e partie du document publié par Libération
- Du 26 juin au 7 juillet « La simplification et le renforcement du dialogue économique et social et de ses acteurs ». Ce thème correspond à la 2e partie du document publié par Libération
- Du 10 au 21 juillet « La sécurisation des relations de travail », ce thème correspond à la 1ere partie du document publié Libération
Chaque organisation sera reçue 2 fois pour chaque thème, ce qui donne en tout et pour tout 6h de concertation…pour réécrire de la quasi-totalité du code du travail, ça fait court…
Le projet de loi d’habilitation à réformer par ordonnance sera présenté au conseil des ministres du 28 juin et soumis au vote du parlement en juillet. D’après le calendrier publié par Mediapart, le projet de loi d’habilitation devrait être envoyé au Conseil d’Etat le 14 juin. Espérons que le gouvernement daignera le transmettre aux acteurs sociaux en même temps qu’au conseil d’Etat !
Les ordonnances seront publiées avant le 21 septembre. Elles seront ensuite soumises à ratification par le Parlement à l’automne.
L’argumentation politique : Les droits des salariés responsables du chômage et de la précarité
La réforme s’inscrit dans la droite ligne de la loi El Khomri et des arguments mille fois entendus mais jamais démontrés qui font de l’excessive protection des salariés en CDI la source du chômage de masse et de la précarité. Aucune étude économique n’ayant jamais fait le lien entre baisse des protections des salariés et création d’emploi, l’exposé des motifs se garde bien de citer le moindre chiffre.
La stratégie affichée, pour éviter comme l’année dernière de focaliser le débat sur la réforme du code du travail, est de la présenter en même temps que la réforme de l’assurance chômage et de la formation professionnelle, de façon à afficher une sorte de « flexi sécurité » à la française.
Alors que depuis 2013, 4 réformes du code du travail ont été menées – loi dite « sécurisation de l’emploi », loi Rebsamen, loi Macron, loi El Khomri – ayant toutes en commun de faire reculer les droits des salarié-es, aucune évaluation n’est prévue. Elles devaient pourtant créer de l’emploi, dommage que l’on ne vérifie pas que les résultats sont atteints…Surtout, elles commencent à peine à s’appliquer, et causent sur le terrain une pagaille généralisée.
Quand on prétend simplifier, c’est quand même étonnant de multiplier les réformes non ?
1er thème de concertation : L’inversion de la hiérarchie des normes…partout
Pudiquement intitulé par le gouvernement « l’articulation des niveaux de négociation et les possibilités d’intervention de la négociation collective pour donner de la capacité d’initiative aux salariés », il correspond à la 3e partie du document publié par Libération (possibilité de mettre la page 13 à 23 du doc Libé ?).
La loi El Khomri a réécrit la partie du code du travail portant sur le temps de travail en supprimant le principe de faveur et la hiérarchie des normes. Les mesures auxquels un accord de branche ou d’entreprise ne peut pas déroger sont dites « d’ordre public ».
Sur les autres dispositions, la loi n’est que supplétive, c’est-à-dire qu’elle s’applique seulement lorsqu’il n’y a pas d’accord. C’est le cas par exemple des heures supplémentaires, qui devaient auparavant être rémunérées partout avec une majoration de 25% puis 50%. Désormais, un accord d’entreprise ou de branche peut prévoir une majoration de 10%, sans qu’un accord au niveau de la branche puisse l’interdire. La règle des 25 et 50% n’est plus que supplétive, c’est à dire qu’elle s’applique seulement quand il n’y a pas d’accord d’entreprise.
Dans ses ordonnances, le gouvernement veut généraliser ce principe à l’ensemble du code du travail. Le document publié par Le Parisien révèle que les seules dispositions d’ordre public seraient le SMIC, l’égalité professionnelle et les seuils d’expositions aux risques ! Tout le reste serait renvoyé à la négociation d’entreprise.
Ceci complexifierait considérablement le code du travail et le rendrait illisible pour les salarié-es comme pour les RH. Ceci empêcherait aussi la mobilité, très importante chez les ingés, cadres et tech. Comment vouloir changer d’entreprise quand on peut y perdre tous ses droits ? Enfin, cela tirerait vers le bas les salaires et mettrait fin à la reconnaissance des qualifications.
La possibilité de réviser l’ensemble des droits à la baisse
Suite à la mobilisation, le gouvernement a été obligé l’année dernière de modifier la loi El Khomri. Dans la première version de son projet de loi, les règles supplétives ne correspondaient pas au contenu actuel du droit du travail. Par exemple, ils prévoyaient d’augmenter les durées maximums de travail (notamment pour les apprentis mineurs, le travail de nuit…).
Le projet d’ordonnance révélé par Le Parisien précise dans une discrète note de bas de page, que contrairement à la loi El Khomri, les règles supplétives ne seront pas à droit constant. Ceci signifie que le gouvernement pourra, sur l’ensemble des sujets, revoir nos droits à la baisse!
Le rôle des branches réduit à néant
Grâce à la mobilisation, nous avons contraint le gouvernement à préciser dans la loi El Khomri qu’il y avait 6 domaines pour lesquels les accords d’entreprise ne pouvaient pas déroger aux accords de branche :
- Salaires
- Classifications
- Egalité F/H
- Prévoyance
- Formation professionnelle
- Pénibilité
Dans son projet, le gouvernement prévoit de renvoyer les salaires à la négociation d’entreprise. Il prévoit également la possibilité par accord d’entreprise de déroger à l’accord de branche « y compris dans les domaines où l’accord de branche prime » ! I
l précise enfin que cette disposition serait rétroactive, c’est-à-dire que les entreprises pourraient déroger à tous les accords de branche signés avant la publication des ordonnances, y compris ceux comportant une clause de verrouillage. Autant dire que les branches ne servent plus à rien !
Elles ont pourtant un rôle de régulation fondamental pour lutter contre le dumping. La France est un des pays européens dans lequel le pourcentage de salarié-es protégé-es par un accord de branche est le plus élevé. Pourquoi ? Grâce à la procédure d’extension, dans laquelle le ministère du travail étend les accords de branche de façon à ce qu’elle ait force de loi et s’applique à l’ensemble des salarié-es du secteur, y compris ceux dont les entreprises ne sont pas adhérents aux branches, soient couverts. Créé grâce à la mobilisation de 1936, la procédure d’extension permet d’utiliser l’accord collectif comme moyen d’uniformiser les conditions sociales de la concurrence et de rendre effectif ce rôle pour la branche.
Avec la dérogation généralisée aux accords de branche le gouvernement vise à faire tomber cette procédure d’extension, ce qui est très grave.
En Allemagne, seuls 49% des salarié-es sont couverts par un accord de branche. Ce pour 2 raisons :
- La procédure d’extension n’existe pas
- Les loi Hartz de 2003/2005 qui ont fait primer les accords d’entreprise sur les accords de branche. Depuis, le taux de couverture des salarié-es par un accord de branche est passé de 60% à 49%,
La conséquence : l’explosion du nombre de travailleurs pauvres et des inégalités Femmes/Hommes. C’est ce qui a forcé les conservateurs, sous la pression des syndicats, à mettre en place un salaire minimum légal en 2015. Alors que les libéraux expliquaient que cette augmentation des salaires conduirait les entreprises à la faillite, le bilan est très positif : le nombre de travailleurs pauvres a baissé et la consommatiopn intérieure est relancée.
A noter : en Allemagne, les salarié-es et leurs syndicats ont beaucoup plus de pouvoir dans les entreprises grâce au système de codétermination, avec des Comités d’Entreprise à partir de 5 salarié-es, et les conseils d’administration composés à 50% de salarié-es. C’est ce qui a permis d’amortir le choc de la crise de 2008 en préférant les mesures de chômage partiel aux licenciements
Temps de travail, toujours plus loin dans le détricotage des 35h
La loi El Khomri qui a largement détricoté la durée légale du travail ne suffit visiblement pas car le gouvernement souhaite une encore s’y attaquer dans ses ordonnances.
Le travail de nuit est notamment mentionné. On se souvient que le gouvernement avait essayé d’augmenter la durée maximale du travail de nuit et été contraint de reculer l’année dernière. Il pourrait donc cette année :
- augmenter les durées maximums de travail de nuit
- supprimer les contreparties obligatoires en matière de repos et de rémunération
- modifier la définition du travail de nuit, qui correspond aujourd’hui au travail effectué entre 21h et 6h du matin. Demain, cette plage horaire pourrait être raccourcie.
- Exemple : Aujourd’hui tout travail effectué au cours d’une période d’au moins 9 heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures est considéré comme du travail de nuit. Il s’agit d’une disposition d’ordre public. A défaut d’accord particulier, c’est entre 21h et 6 heures. Avec les ordonnances, cette période pourrait être raccourcie par un accord d’entreprise entre minuit et 5 heures par exemple. Par conséquent le nombre d’heures majorées pour le salarié serait plus faible.
Le télétravail est également ciblé.
Alors que les syndicats viennent de forcer le patronat à signer un document prévoyant une négociation interprofessionnelle encadrant le télétravail, les ordonnances pourraient autoriser les entreprises à définir elles-mêmes l’ensemble des droits des télétravailleurs.
Grâce à l’accord signé en 2005 par l’ensemble des syndicats, le télétravail est encadré dans la loi, qui impose par exemple à l’employeur de prendre à sa charge les équipements de travail. Le document issu de la concertation qui vient de s’achever prévoit de renforcer ces protections, par exemple en matière d’accident de travail. C’est une priorité pour l’UGICT-CGT, étant donné que les ingés, cadres et tech sont de plus en plus nombreux à opter pour le télétravail. C’est le résultat de cette laborieuse négociation que mettraient à bas les ordonnances.
Surtout, le gouvernement risque ici de faire rentrer par la fenêtre ce que nous avons sorti par la porte. On se souvient que l’année dernière, le gouvernement voulait autoriser à fractionner les 11h de repos obligatoire, ciblant directement les ingés, cadres et tech, nombreux à être au forfait jour. Cette disposition pourrait être réintroduite dans les ordonnances.
Heures sup : disparition pure et simple des majorations ?
La durée légale du travail n’est rappelée à aucun endroit. L’exposé des motifs du projet de loi d’ordonnance se contente de lister comme dispositions relevant de l’ordre public que le Smic, l’égalité professionnelle et les seuils d’expositions au risques (matières, charges, températures…). Le gouvernement ne prendra toutefois probablement pas le risque politique de s’attaquer au symbole des 35h. Il peut toutefois amplifier la loi El Khomri et permettre aux entreprises de définir le taux de rémunération et le seuil de déclenchement des heures sup (35h, 39h…), avec la possibilité de descendre en dessous des 10% de majoration…ce qui reviendrait à supprimer dans les faits la durée légale du travail.
Quelles dispositions sur le travail du dimanche ?
Rien n’empêche non plus le gouvernement de légiférer pour généraliser le travail du dimanche comme il a commencé à le faire dans la loi Macron de 2015.
Le contrat de travail renvoyé à la négociation d’entreprise
Ce sujet n’a absolument pas été évoqué dans la campagne électorale, ni été débattu. Le projet autorise le gouvernement à modifier de fond en comble les règles légales régissant le contrat de travail en les renvoyant à l’accord d’entreprise. Ceci concernerait l’ensemble des règles régissant les CDD, CDI, l’intérim et le contrat de chantier (voir détail dans la 3e partie)
La santé et la sécurité en option
Cette partie du code du travail, fondamentale pour les salariés, définit l’ensemble des protections des salariés en matière de santé et de sécurité. Le projet de loi d’habilitation est très laconique, et se limite à dire que les seuils d’exposition aux risques (matières dangereuses, charges, températures…) devraient rester définis dans la loi. En l’état de sa formulation, ce projet pourrait permettre au Gouvernement de transférer à la négociation d’entreprise des éléments essentiels tels que :
- le droit d’alerte des représentants du personnel et droit de retrait des salarié-es confrontés à un danger grave et imminent (comme les Risques psychosociaux, les risques industriels, les violences sexuelles…). Cette disposition est particulièrement grave pour les ingés, cadres et tech, qui souvent, du fait de leurs responsabilités, sont les premiers informés de ces risques. Ceci fragiliserait considérablement le début de statut pour les lanceurs d’alerte que nous venons d’arracher !
- l’information et la formation des salariés,
- la protection des mineurs de moins de 18 ans,
- les obligations relatives aux équipements de sécurité,
- l’organisation des locaux de travail (fenêtres, vestiaires, …),
- les modalités de prévention contre des risques spécifiques (chimiques, biologiques, sonores, …),
- le document unique d’évaluation des risques professionnels.
Pour les salarié-es qui encadrent des équipes, la suppression de ces dispositions est particulièrement grave. Aujourd’hui, elles protègent les encadrants vis-à-vis de l’employeur qui est tenu de les respecter. Demain, elles peuvent être renvoyées à leur appréciation personnelle. Alors que la pression hiérarchique pour baisser les coûts au détriment du travail bien fait et de la sécurité est déjà énorme, y résister sans pouvoir s’appuyer sur des normes légales sera beaucoup plus compliqué. Rappelons qu’en cas d’accident, la responsabilité pénale de l’encadrant peut être invoquée et qu’il peut finir devant les tribunaux !
Il est particulièrement grave que le Gouvernement ait souhaité se réserver la possibilité de transférer ces éléments à la négociation collective sans explicité ses intentions. La santé des salarié-es n’est pas négociable !
La baisse des salaires au programme
Sur les salaires, au-delà des dangers réels de dumping que fait courir la décentralisation de la négociation salaire, il y a au moins 2 risques importants :
1/ On a constaté pendant la crise que l’on négociait moins les salaires dans l’entreprise et que les augmentations étaient très faibles. Néanmoins, les salaires réels ont progressé en France même pendant ces années de crise, essentiellement grâce aux accords salariaux de branches qui ont automatiquement fait augmenter les salaires. Ce résultat est aussi le fruit de la couverture conventionnelle avec 96% des salariés en France qui sont couverts par un accord de branche grâce au droit à l’extension. Renvoyer la négociation salaire dans l’entreprise c’est à coup sûr baisser le niveau général des salaires réels.
Un article des Echos explique parfaitement ce mécanisme avec cet exemple : entre 2009-2012 (au cœur de la crise systémique) : lorsque l’augmentation de salaire est de 1% dans la branche, la hausse à court terme du salaire moyen de base est supérieure de 0,12% à ce qu’elle aurait dû être s il n’y avait pas eu d’augmentation conventionnelle de branche.
En clair le vœu du Medef est exaucé cela permettra de geler voire de baisser les salaires
2/ Le salaire conventionnel est le salaire de référence d’un niveau de classification. Ne plus négocier le salaire au niveau de la branche revient à avoir des grilles de classifications sans salaires qui leur correspond. Cela revient à affaiblir considérablement les grilles de classification et la reconnaissance des qualifications.
Les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires tirent déjà les salaires vers le bas, avec un tassement de la reconnaissance de la qualif et une absence de déroulé de carrière qui frappe particulièrement les ingés cadres tech, et notamment les jeunes diplômé-es. Avec cette disposition, la seule augmentation annuelle de salaire sera (et c’est de plus en plus hypothétique) celle du SMIC. C’est la négation totale de la qualification.
La sauvegarde et le maintien de l’emploi au cas par cas
Le projet de loi d’habilitation prévoit également d’élargir le champ de la négociation d’entreprise aux dispositions du titre 2 du livre 1er de la 5e partie du code du travail relatif à la sauvegarde et au maintien de l’emploi.
Ces dispositions concernent pourtant, pour l’essentiel des aides et dispositifs mis en place par l’Etat (aide au développement de l’emploi et des compétences, aide à l’élaboration d’un plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, aide aux actions de formation pour l’adaptation des salariés, contrat de génération, …).
Cependant, certains droits importants des salariés peuvent également être attaqués.
L’ordonnance peut prévoir que la part du salaire perçue par les salariés lorsque leur employeur les place en chômage partiel est négociée dans chaque entreprise. Elle peut également permettre de revenir sur les droits des salariés dans le cadre des accords de maintien de l’emploi.
Ces accords, créés par la loi de sécurisation de l’emploi de 2013 permettent, en cas de « difficultés économique conjoncturelles » d’imposer aux salariés des modifications de la durée du travail, ainsi que la rémunération, sous peine d’être licencié.
La CGT avait dès l’origine dénoncé les risques de dumping social et les chantages à l’emploi.
Les ordonnances risquent de revenir sur les maigres garanties dont bénéficient les salariés :
- impossibilité de diminuer la rémunération en dessous de 120% du minimum conventionnel ;
- obligation de prévoir des efforts des dirigeants et actionnaires ;
- impossibilité de prévoir une durée dépassant 5 ans …
- Un statut de l’encadrement renforçant l’actuel statut cadre. Chaque accord de classification préciserait le seuil de ce statut de l’encadrement, sous le contrôle de l’APEC (Association pour l’Emploi des Cadres). Ce statut garantirait ensuite une protection sociale complémentaire (retraite, prévoyance…), une reconnaissance de la qualification et des droits pour exercer pleinement sa responsabilité professionnelle
- Le retour de la hiérarchie des normes et du principe de faveur.
- Le renforcement du rôle des branches et de la procédure d’extension avec l’ajout de thèmes indérogeables (notamment la santé, la sécurité et le droit syndical)
- La mise en place de critères collectifs de reconnaissance de la pénibilité dans chaque branche, remplaçant les fiches individuelles, et permettant en fonction du nombre de critères de pénibilité de chaque métier (travail de nuit ou en horaires décalés, chaleur, vibrations, produits chimiques…) d’obtenir notamment des départs anticipés à la retraite
- L’encadrement strict des forfaits jours pour garantir un décompte horaire et le respect des temps de repos, conformément à la réglementation européenne (4 condamnations de la France par le Comité Européen des Droits Sociaux)
- L’ouverture d’une négociation nationale sur le télétravail pour mieux protéger les salarié-es
Pour aller plus loin :
voir les propositions de l’UGICT-CGT sur le statut de l’encadrement
2e thème de concertation : le contournement des syndicats pour un dialogue social au bénéfice de l’employeur
Pudiquement intitulé par le gouvernement « La simplification et le renforcement du dialogue économique et social et de ses acteurs », ce thème correspond à la 2e partie du document publié par Libération (possibilité de mettre la page 5 à 12 du doc Libé ?).
Alors que l’objectif affiché des ordonnances est de renforcer le « dialogue social d’entreprise », les dispositions envisagées par le gouvernement dans le 2e thème de concertation accroissent considérablement le pouvoir de l’employeur. Non seulement la définition de la quasi-totalité de nos droits est renvoyée à la négociation d’entreprise, mais cette négociation est réorganisée au bénéfice exclusif de l’employeur.
Les referendums pour faciliter l’adoption d’accords d’entreprise
Pour généraliser les accords dérogatoires d’entreprise, il faut faciliter leur adoption. Pour cela, la loi El Khomri a inventé le référendum, permettant, quand un accord est refusé par les syndicats majoritaires, de le faire adopter par référendum auprès des salariés. Le 1er référendum organisé a confirmé les craintes de la Cgt. Initié à RTE, le référendum visait à faire adopter un recul des droits des agents de maintenance sur leurs astreintes et du travail le soir et le WE…en demandant leur avis à l’ensemble des salarié-es, dont la moitié (et notamment les ingés, cadres et tech) n’était pas concernée. Diviser pour mieux régner…Grâce à la mobilisation de la Cgt et au travail d’infos des cadres et agents de maîtrise que la direction voulait instrumentaliser, le référendum a été un échec. Ceci n’a été possible que grâce à la forte implantation syndicale, ce qui est loin d’être le cas partout…
Le gouvernement veut donc étendre le recours aux référendums. Jusque-là réservé aux syndicats, il pourrait maintenant être lancé à l’initiative et dans les conditions décidées par l’employeur, qui pourra choisir le périmètre qui l’arrange, et faire voter les cadres sur une réforme concernant les ouvrier-es ou vice versa. Il y a fort à parier que les mises en opposition des salarié-es vont être maximum, avec le risque de faire exploser les collectifs de travail
Permettre de signer des accords dérogatoires sans les syndicats
Aujourd’hui, pour garantir la loyauté de la négociation, seuls les syndicats peuvent négocier et signer des accords. En effet, les syndicats possèdent des droits collectifs d’expression et d’action qui les protègent des pressions de l’employeur. Permettre à des élus sans étiquette de négocier, c’est généraliser le chantage à l’emploi et affaiblir les droits collectifs d’organisation des salariés.
La disparition des représentant-es du personnel de proximité
Alors que la réforme de 2015 (loi Rebsamen) commence à peine à s’appliquer, le gouvernement remet le couvert pour réformer les instances de l’entreprise. L’objectif: fusionner le Comité d’Entreprise, le CHSCT et le Délégué du personnel dans une instance unique.
Pourtant, plusieurs possibilités ont été introduites en 2015, et notamment
- pour les entreprises de moins de 300, l’employeur peut mettre en place une délégation unique du personnel regroupant CE et DP
- dans les entreprises de plus de 300, par accord d’entreprise, l’employeur peut créer une instance unique
Le gouvernement veut aller encore plus loin (sans évaluation des réformes précédentes), ce qui pose plusieurs problèmes :
- La baisse drastique du nombre d’élu-es, et la suppression des instances de proximité, les DP et les CHSCT. En effet, les seuils de déclenchement des instances ne sont pas les mêmes et il y a fort à parier que le gouvernement se cale (au mieux !) sur celui des Comités d’Entreprise, alors que celui des délégués du personnel est beaucoup plus favorable. Avec moins d’élu-es avec des missions élargi-es…les salarié-es ne verront plus leurs représentant-es
- La remise en cause du rôle du CHSCT, qui, aujourd’hui, a une personnalité juridique qui lui permet d’aller en justice, de faire des enquêtes ou diligenter des expertises (par exemple sur les risques psycho sociaux, les violences sexuelles…) C’est ce qui a permis de faire annuler un plan social à la FNAC, du fait des risques psycho sociaux qu’il faisait courir aux salarié-es qui auraient vu leur charge de travail exploser
- Le risque que les missions du CHSCT soient financées sur le budget du CE, amputant d’autant les moyens pour organiser une offre de culture et de loisir, la restauration…en particulier, le CHSCT peut demander des expertises sur la santé et la sécurité, financées par l’employeur. Le Medef cherche depuis longtemps, pour limiter le nombre d’expertises à les faire payer par le CE.
Enfin, le gouvernement sort du chapeau une mesure jamais annoncée ou débattue : la possibilité d’ajouter la négociationd ans cette instance unique. Ce serait la rupture avec notre modèle historique de démocratie sociale dans l’entreprise, qui repose d’un côté sur des élu-es, disposant de droits d’information, de consultation, d’expertise et d’alerte, de l’autre sur des syndicats, qui seuls ont la capacité de négocier.
Pourquoi cette distinction? Pour adosser le droit à la négociation aux droits et protections syndicales, et ainsi garantir l’indépendance des négociateurs vis à vis de l’employeur. Depuis de longues années le Medef veut autoriser la négociation avec les élus sans étiquette,
La fin du contrôle du juge sur les accords d’entreprise
Aujourd’hui, quand un accord d’entreprise ou de branche ne respecte pas la loi, il peut être annulé par le juge. C’est ce qui se produit par exemple sur les forfaits jours, ou des dizaines d’accords ne garantissant pas le respect des temps de repos et durées maximum des salarie-es ont été annulés. Pour empêcher ces recours, le gouvernement veut mettre en place une présomption de validité des accords, dès lors que les obligations formelles de la négociation auront été remplies. Le juge et l’inspection du travail ne pourront donc plus contrôler la conformité de l’accord avec la loi. Quand on sait que la loi travail n°2 vise à renvoyer à la négociation d’entreprise la définition de la quasi totalité de nos droits, on mesure combien cette disposition est grave !
Le renforcement des moyens du dialogue social
Il s’agit probablement d’une contrepartie destinée à faire avaler la pilule de tous les reculs précédents, mais le compte n’y est absolument pas. Le projet prévoit :
- Une forme de chèque syndical, avec la possibilité par le salarié d’apport des ressources financées par l’employeur au syndicat de son choix, sur le modèle de ce qui existe à Axa
- Un renforcement de la formation des élu-es, et des mesures (non précisées), pour reconnaître celui-ci dans les carrières et lutter contre la discrimination syndicale. La CGT porte de nombreuses propositions sur le sujet, rendues publiques à l’occasion de l’action de groupe contre les discriminations syndicales à Safran. Pas de réponse là-dessus pour l’instant…
Les grands absents, les salarié-es des petites entreprises dans lesquels il n’y a souvent ni représent-es du personnel, ni syndicats. Pourtant, la CGT porte une proposition simple pour garantir une représentation à tous les salarié-es des entreprises de moins de 50
Quelles mesures pour les conseils d’Administrations ?
Au lieu de généraliser les administrateurs salariés, d’augmenter leur nombre et leurs prérogatives pour se rapprocher des pays d’Europe du Nord, on se limite à des mesures « incitatives ». Sachant que le patronat refuse obstinément de partager les orientations et décisions stratégiques, une simple incitation ne permettra pas d’aller bien loin.
La CGT et son UGICT font de nombreuses propositions pour définanciariser l’entreprise et renforcer les moyens d’intervention des représentants du personnel et des cadres sur les orientations stratégiques. Visiblement, Emmanuel Macron ne les a pas lues…
- Le droit pour tous les salarié-es à une heure mensuelle d’information syndicale, organisée sur le temps de travail sans perte de salaire
- L’intégration du statut des lanceurs d’alerte dans un cadre collectif en prévoyant la possibilité que leurs alertes soient transmises aux Institutions Représentatives du Personnel et aux syndicats
- La mise en place, au niveau territorial, d’une instance de représentation pour tous les salarié-es des entreprises de moins de 50 salarié-es dans lesquelles il n’y a pas eu d’élu-e au 1er tour des élections de délégué-e du personnel
- La mise en place d’un indicateur dans le bilan social permettant de mesurer les discriminations syndicales, sexistes ou racistes sur les carrières
- La mise en place de mesures pour lutter contre les discriminations à l’embauche (registre d’embauche permettant de comparer les candidatures reçues et les recrutements effectué-es, notification des droits distribuées aux salarié-es lors des entretiens d’embauche)
- Le renforcement de l’action de groupe, pour permettre aux salarié-es victimes d’une même discrimination d’obtenir la réparation intégrale de leur préjudice
- Des mesures pour rendre effective l’égalité F/H : des sanctions pour les entreprises qui discriminent et ne négocient pas, l’obligation de négocier un plan de prévention et de protection des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles, le renforcement de la protection des femmes enceintes, de nouveaux droits pour exercer sa parentalité
- L’augmentation du nombre d’administrateurs salariés et leur généralisation dans toutes les entreprises, quel que soit leur statut juridique
- La présence de salarié-es dans les comités des rémunérations et dans le comité d’audit
- Des droits suspensifs pour les CE sur les aides publiques et les licenciements
- Des droits d’information et d’action renforcés des CE pour influer sur les orientations stratégiques, leur permettant de connaître la situtaion et la stratégie des investisseurs, les pactes d’actionnaires et la situation de l’ensemble de la chaîne de production à laquelle ils sont intégrés, du groupe donneur d’ordre aux filiales et sous-traitants.
- Le renforcement des CHSCT et l’élargissement de leurs missions aux problématiques environnementales avec un droit d’alerte environnemental
- Le rétablissement de la pénalisation du délit d’entrave (supprimée par la loi Macron de 2015) en cas de non-respect par l’employeur de ses obligations en matière de démocratie sociale
- L’obligation pour l’employeur de diminuer la charge de travail des élu-es et de les remplacer de façon à ce que leurs heures de délégations soient effectives
- L’augmentation du crédit d’heure des élu-es du personnel et des délégué-es syndicaux, et la déclinaison légale sous forme de « crédits jours » pour salarié-es en forfait jours
- Des droits pour faciliter l’accès des femmes aux mandats (horaires de réunions, prise en charge par l’employeur des frais de garde en cas de déplacements ou dépassements horaires des élu-es, mesures pour les salariées à temps partiel…)
- Le droit pour les militants syndicaux extérieurs de prendre contact avec les salariés d’une entreprise ou d’un site pendant le temps et sur le lieu de travail
- La création de droit syndical interprofessionnel, permettant le détachement de militant-es tout en maintenant leur contrat de travail, Le renforcement du fond de financement du paritarisme doit permettre la compensation des salaires auprès des entreprises.
Pour aller plus loin :
- Le manifeste de l’UGICT-CGT pour définanciariser l’entreprise
- Les propositions #VieDeMère sur vdmere.fr
3e thème de concertation : la fin des protections contre le licenciement et la précarité… le CDI, c’est fini
Pudiquement intitulé « La sécurisation des relations de travail », ce thème correspond à la 1ère partie du document publié Libération et fait exploser toutes les protections existantes contre le licenciement et la précarité. Cette question n’a absolument pas été abordée dans le programme d’Emmanuel Macron ou dans la campagne électorale.
Les possibilités de licenciements sont élargies et les possibilités de recours juridiques contre les licenciements abusifs quasiment supprimés. En renvoyant à la négociation d’entreprise toutes les règles encadrant le contrat de travail, le gouvernement permet la généralisation des contrats précaires
Le plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif
Pour la 3e fois, Emmanuel Macron essaie de faire adopter cette disposition contre l’avis de l’ensemble des organisations syndicales. Il s’agit, en cas de condamnation d’un employeur par les prudhommes pour licenciement abusif, de limiter le montant des dommages et intérêts versés au salarié. Initialement prévue dans la loi macron de 2015, elle a été rétorquée par le conseil constitutionnel. Avec quelques modifications de forme, elle a été glissée en 2016 dans la loi el khomri, puis retirée, face à la mobilisation. Aujourd’hui, la condamnation est adaptée au préjudice subi, et le juge tient compte de l’ancienneté, la durée du chômage, la situation de famille et le nombre d’enfants à charge, l’âge, etc.
Le projet d’habilitation ne donne aucune information sur le montant des plafonds retenus, mais on se souvient que ceux retenus l’année dernière dans la première version de la loi El khomri étaient particulièrement faibles (plafonds inférieurs aux condamnations moyennes). En outre, le gouvernement avait parlé d’instaurer des condamnations forfaitaires, indépendamment du salaire du salarié concerné, ce qui aurait particulièrement ciblé les ingés cadres et techs, et tiré le montant des condamnations vers le bas. Le document publié par Libération précise par contre que les planchers minimum de condamnations seraient revus à la baisse.
Pourquoi tant d’insistance ? Parce qu’il s’agit de la clé de voûte du code du travail. D’une part, le plafonnement les condamnations en cas de licenciement abusif permet aux employeurs de le provisionner, et de se donner les moyens sans aucun risque de condamnation de licencier un-e salarié sans motif. Le but est de permettre à l’employeur de choisir entre le respecter du droit du travail et le risque d’une condamnation d’un montant maximum prédéfini. Côté salarié, c’est le règne de l’arbitraire. Comment réclamer le paiement de ses heures sup ou remettre en cause une directive si du jour au lendemain on peut, dans motif, être mis à la porte? Au prétexte de leurs responsabilités professionnelles, la liberté d’expression des cadres est souvent remise en cause, là c’est le baillon !
Plus d’obligation de motiver la lettre de licenciement
Demande récurrente des employeurs le projet prévoit que le défaut de motivation de la lettre de licenciement ne pourra plus le remettre en cause ! Une revendication de longue date du MEDEF pour permettre d’inventer un motif a posteriori en cas de contestation.
Après un accord, un salarié qui refuse un changement dans son contrat de travail pourra être licencié
La loi El Khomri a créé des accords de maintien de l’emploi, permettant, pour « sauvegarder la compétitivité de l’entreprise » de baisser les salaires et d’augmenter le temps de travail, pour une durée de cinq ans maximum. Si le salarié ou la salariée refuse l’application de l’accord, il ou elle peut être licencié-e pour pour « cause réelle et sérieuse ». La loi travail n°2 généralise cette disposition à tous les accords d’entreprise, qui s’imposeront au salarié quelque soient les clauses de son contrat de travail. Pour les ingés, cadres et techs, qui négocient souvent dans le détail leur contrat de travail pour garantir leur niveau de salaire ou limiter les clauses de mobilité par exemple, cette disposition sera catastrophique !
Des délais de recours réduits pour empêcher la contestation des licenciements
Aujourd’hui, un-e salarie-e licencie-e pour motif économique dispose d’un an pour contester son licenciement devant les prudhommes. Le projet prévoit d’imposer un délai de 2 mois. Le salarié devra donc trouver un avocat et saisir le conseil de prud’hommes par une requête motivée, avant même d’avoir fini son préavis ! Mission impossible !
Ajoutons que les règles encadrant les plans sociaux ont déjà été considérablement allégées depuis 2013 ce qui a fait chuter le nombre de recours judiciaires. Visiblement, cela ne suffit pas à Emmanuel Macron qui veut les supprimer purement et simplement.
Permettre aux entreprises de licencier sans plan social
Aujourd’hui, les entreprises de 50 salariés qui licencient plus de 10 salarie-es sont obligées de négocier un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) avec les syndicats. Le PSE doit notamment contenir des mesures de formation et de reclassement pour faciliter le retour à l’emploi des salarié-es, des indemnités pour compenser le préjudice subi…Avec les ruptures conventionnelles, les entreprises ont déjà aujourd’hui les moyens de licencier des salarié-es sans faire de plan social. Elles sont aussi nombreuses à licencier les salarié-es par groupe de 9 pour éviter d’avoir à négocier un Plan social. Cela ne suffit visiblement pas au gouvernement qui veut élever ce seuil et permettre aux entreprises de licencier davantage de salarié-es sans mesures sociales.
Opération minceur sur les obligations de reclassement de l’employeur
Aujourd’hui un employeur souhaitant licencier pour motif économique ou inaptitude doit rechercher des possibilités de reclassement pour les salariés et leur proposer des postes correspondant à leurs compétences. L’absence de plan de reclassement est aujourd’hui le premier motif d’annulation des plans sociaux par la justice. Le projet allège donc considérablement les obligations et prévoit que l’employeur pourra se contenter de mettre en ligne la liste des postes disponibles. Au salarié de chercher parmi tous les postes disponibles si l’un d’entre eux peut lui correspondre … en espérant que l’employeur ne lui dise pas qu’il n’a pas les compétences !
Une entreprise florissante à l’étranger pourra licencier
Aujourd’hui, les difficultés économiques d’une entreprise qui licencie sont appréciées au niveau du groupe, à l’échelle internationale. Désormais, le projet prévoit que les difficultés économiques de l’entreprise s’apprécieront sur le seul territoire français, même si elle est présente et en bonne santé à l’international. Demain, une entreprise ayant d’excellents résultats pourra licencier en créant artificiellement des difficultés économiques sur le territoire français ! Cette législation très souple incitera les groupes internationaux à fermer ou licencier plus facilement sur ses sites en France plutôt qu’à l’étranger. Le gouvernement veut réintroduire cette dispositionretirée l’année dernière suite à la mobilisation et rédigée sur mesure pour les multinationales. Pourtant, depuis la Loi Macron de 2015, les groupes ne sont déjà plus tenus de financer les plans sociaux de leurs filiales en faillites !
La possibilité de licencier en cas de cession de l’entreprise
La loi El Khomri a remis en cause le droit pour les salariés de conserver leur emploi en cas de rachat de tout ou partie de leur entreprise : Les entreprises en difficulté peuvent licencier pour éviter au repreneur de garder tout ou partie des salariés. Cette disposition était réservée aux entreprises de plus de 1000 salariés. Le projet prévoit de généraliser cette possibilité à toutes les entreprises.
La possibilité de multiplier les CDD et de les rompre avant terme
Aujourd’hui, le code du travail énumère limitativement les cas de recours aux CDD qui sont d’ordre public (remplacement, surcroit temporaire d’activité, CDD d’usage, activité saisonnière), c’est à dire qu’un accord ne peut ajouter de nouveaux cas de recours.
Avec ses ordonnances, le gouvernement pourrait permettre par accord d’entreprise :
- De créer de nouveaux cas de recours au CDD ;
- De modifier ou supprimer la durée maximale d’un CDD et le nombre de renouvellement (18 mois et 3 renouvellements aujourd’hui) ;
- De modifier le montant de l’indemnité de précarité (10%).
- De créer de nouveaux cas de rupture du CDD, alors qu’il peut aujourd’hui seulement être rompu en cas de faute grave
La possibilité d’ajouter des motifs de rupture du CDI ou de rallonger la période d’essai.
Un employeur doit justifier d’une cause réelle et sérieuse pour procéder à un licenciement (licenciement économique, motif disciplinaire, inaptitude physique, etc.). Il doit par ailleurs respecter une procédure, qui implique une convocation à un entretien préalable, une lettre indiquant les motifs de licenciement, la possibilité pour le salarié de se faire assister par un syndicat… Il doit enfin respecter un préavis et verser une indemnité de licenciement.
Ces éléments sont aujourd’hui définis par la loi. Le gouvernement veut renvoyer l’ensemble de ces dispositions à l’accord d’entreprise. Il pourrait également permettre de prédéfinir des motifs de licenciement soit dans le contrat de travail, soit dans un simple accord d’entreprise, revendications de longue date du MEDEF. Pour les ICT, cela signifie que le contrat de travail pourrait prévoir des objectifs à réaliser, et que la non réalisation de ces objectifs pourrait suffire à justifier le licenciement. Il veut également permettre, par accord d’entreprise, de modifier la durée de la période d’essai du CDI. On se souvient du CPE et du CNE, abandonnés grâce à la mobilisation, mais qui prévoyaient des périodes d’essai de 2 ans !
La généralisation des contrats de chantier
Le contrat de chantier est un CDI dérogatoire, qui permet dans le secteur du bâtiment, à un employeur de mettre fin au CDI dès lors que le chantier est fini. Il est encadré par une jurisprudence fournie qui limite très strictement les conditions de rupture : l’ensemble du chantier doit être terminé et pas seulement la tâche à laquelle le salarié était affecté, l’employeur a des obligations de reclassement, le Comité d’Entreprise doit être informé…Le recours au contrat de chantier est limité au secteur du bâtiment, et aux missions de longue durée, de façon à ce qu’il ne se substitue pas aux CDD.
Le gouvernement souhaite renvoyer l’ensemble de ces clauses à la négociation d’entreprise, de façon à « sécuriser le contrat de chantier » en supprimant l’ensemble de ces dispositions qui permettent aujourd’hui de nombreuses requalifications en CDI…
L’intérim…en permanence
Le recours à l’intérim est aujourd’hui strictement encadré par la loi pour empêcher qu’il ne remplace des CDI. La loi prévoit notamment que le contrat de mission peut être renouvelé 2 fois pour une durée maximale d’en principe 18 mois, et qu’au terme du contrat, l’employeur doit respecter un délai de carence pour embaucher un autre salarié en intérim sur le même poste. Le gouvernement veut renvoyer l’ensemble de ces dispositions à la négociation d’entreprise. C’est la possibilité pour les employeurs de généraliser l’intérim au détriment des CDI.
- Le renforcement du CDI, et la surtaxation des contrats précaires
- Le renforcement de la justice prudhommales (moyens humains pour limiter les délais des procédures, retour de l’élection des conseillers prudhommes, simplification des règles pour déposer les dossiers…)
- La nullité automatique des licenciements injustifiés pour permettre la réintégration des salarié-es qui le souhaitent et augmenter les indemnités
- L’extension du salariat aux travailleurs dépendants économiquement, avec accès à l’ensemble de la protection sociale
- Des droits suspensifs des CE sur les licenciements, permettant d’en vérifier le motif économique
- La réforme des tribunaux de commerce, pour garantir l’indépendance et la transparence des décisions
- Un nouveau statut juridique de l’entreprise et du chef d’entreprise pour en faire primer le collectif de travail sur les actionnaires
Pour aller plus loin :
-
les propositions de l’UGICT-CGT sur le statut de l’encadrement