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Les professions intermédiaires : invisibilisées et déclassées
Cette 10e édition du baromètre annuel de l’Ugict-CGT/ViaVoice sur les professions intermédiaires a été réalisée quelques jours avant que l’extrême-droite ne soit placée en tête des résultats des élections européennes, et que le Président de la République annonce la dissolution de l’Assemblée nationale.
Quelques jours également avant que la CGT ne décide de tout mettre en oeuvre pour faire barrage à l’extrême-droite et n’appelle, au vu de la gravité de la situation, les salarié·es, retraité·es et privé·es d’emploi à aller voter les plus nombreux et nombreuses possibles les 30 juin et 7 juillet pour le programme du Nouveau Front populaire.
Le contexte de crise démocratique, sociale, économique et environnementale oblige l’Ugict-CGT à faire l’analyse de certains des mécanismes qui ont conduit à cette situation critique historique.
I) La colère gronde sur les salaires
En 2024 le baromètre confirme que la reconnaissance salariale est au cœur de la colère sociale des professions intermédiaires.
- Pour 72 % de ces salarié·es le salaire fait partie des priorités de leur vie professionnelle, ex- aequo avec la conciliation vie professionnelle-vie professionnelle. Ce chiffre a augmenté de 16 points en 3 ans.
Si le salaire est devenu central pour les professions intermédiaires ces dernières années c’est parce que cette catégorie socio-professionnelle est celle qui a le plus perdu en pouvoir d’achat entre 1996 et 2022 (Insee) : quand les salaires des ouvrier·es ont augmenté de 16,3 %, ceux des professions intermédiaires n’ont augmenté que de 2,4 %. En l’absence d’indexation des salaires sur le SMIC et les prix, leurs salaires décrochent.
- En 2024, 48 % des professions intermédiaires déclarent une part variable de salaire.
Or cette progression de la rémunération individualisée les rend, comme les cadres, davantage sensibles aux chocs conjoncturels. La récente proposition de campagne de Gabriel Attal d’augmenter le plafond de la prime “Gilets jaunes” va accentuer le décrochage des salaires des professions intermédiaires.
II) Plus diplômé·es, mais moins reconnu·es
Les professions intermédiaires sont de plus en plus diplômé́·es.
- En 2018, 48 % d’entre elles et eux étaient diplômé·es de l’enseignement supérieur, cette part atteint désormais 68 % parmi les professions intermédiaires de moins 30 ans (Cereq).
La déqualification déjà présente il y a dix ans s’accentue, et conduit à la baisse de la part des salaires dans les richesses produites par les salarié·es et un recul du financement de la protection sociale, et de notre système de retraite.
III) Le malaise est profondément ancré
Ce mécanisme de tassement des salaires additionné à un quasi arrêt de l’ascenseur social au travail (seul·es 46 % des salarié·es des professions intermédiaires pensent qu’ils et elles peuvent accéder à la catégorie “cadre”) engendre un fort sentiment d’injustice et de colère. Ce sentiment est exacerbé par l’action délétère du patronat dans le cadre des révisions de classifications, et par l’inaction gouvernementale sur le dossier des salaires, plus de huit mois après la conférence sociale.
Le sondage confirme que le malaise des professions intermédiaires au travail est profond et que ces salarié·es subissent la perte de repères sur les qualifications imposée par le patronat :
- 49 % des professions intermédiaires considèrent que leur rémunération n’est pas en adéquation avec leur qualification, et 61 % avec leur implication au travail
- 36 % déclarent que leur intérêt et le sens qu’ils et elles trouvent au travail a tendance à diminuer IV) Ces catégories sont un impensé pour le Rassemblement National
Face à cette colère, les “mesures sociales” du Rassemblement national apparaissent être une impasse. Les propositions d’inciter les entreprises à augmenter les salaires par la réduction des cotisations patronales vont non seulement dépouiller la Sécurité sociale de ses ressources, mais aussi accentuer les effets de “trappes à bas salaires” qui maintiennent les professions intermédiaires dans des niveaux de rémunération ne correspondant ni à leur qualification, ni à leur diplôme, ni à leur autonomie, ni à leurs responsabilités. Quant à la retraite à 60 ans du RN – qui apparaît de plus en plus être un mirage au vu des récents reculs du RN sur l’abrogation de la réforme des retraites Macron -, elle ne concerne que celles et ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans excluant de fait les diplômé·es du supérieur.
L’Ugict-CGT revendique des mesures qui permettent d’inverser la dynamique de déclassement dans laquelle sont enfermées les professions intermédiaires :
- l’indexation des salaires sur le SMIC et les prix,
- la reconnaissance des diplômes et plus généralement de la qualification dès l’embauche et tout au long de la carrière,
- la retraite à 60 ans avec une pension représentant au minimum 75 % du dernier salaire, la reconnaissance de la pénibilité et la prise en compte des années d’étude dans le calcul de la retraite,
- mais aussi une nouvelle étape de réduction du temps de travail par la semaine de 4 jours en 32 heures, et le droit effectif à la déconnexion.
L’Ugict-CGT a décidé de faire de 2024 “l’année des professions intermédiaires” afin de les sortir de l’invisibilité et de porter avec force leur aspiration à la reconnaissance de leurs qualifications.
Articles de presse sur le baromètre à lire :
Dans l’Humanité : Déqualification, salaire en berne… L’Ugict-CGT alerte sur le malaise des professions intermédiaires
Dans l’AEF : Au travail, les professions intermédiaires priorisent le salaire et l’équilibre des temps de vie (Ugict-CGT)
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