Pour en savoir plus
Tribune du collectif Stop Secrets des Affaires.
Monsieur le président de la République,
Nous en sommes persuadés. Comme nous, vous considérez la liberté d’informer comme un pilier de la démocratie. Comme nous, vous êtes favorable à l’équilibre des pouvoirs et à l’intérêt général.
Pendant des mois, nous avons défendu ces valeurs -dont vous êtes l’un des garants- pour amender la loi sur le secret des affaires, votre loi, portée par le député Raphaël Gauvain (LREM), ancien avocat d’affaires.
Ce texte sera définitivement voté le 14 juin 2018 par l’Assemblée nationale. Or, votre majorité parlementaire n’a jamais pris en compte l’engagement des 550.000 citoyens signataires de notre pétition. Elle est restée sourde aux revendications de 52 organisations et syndicats. Elle a rejeté en bloc les arguments d’une grande partie de la presse française.
Aujourd’hui, ONG, représentants des salariés dans les entreprises, journalistes, syndicats, nous sommes tous solidaires pour dire « non » à l’actuelle transposition de la Directive européenne sur le secret des affaires.
Monsieur le président de la République,
Faut-il rappeler ici le travail exemplaire du Dr Irène Frachon, sans laquelle il n’y aurait pas eu d’affaire « Mediator » ? Que dire du travail minutieux des lanceurs d’alerte, des chercheurs, des ONG et des centaines de journalistes, sans lesquels vous n’auriez jamais entendu parler des « Panama Papers », des « Paradise Papers », du « Diesel Gate » ou de l’affaire UBS ? La liste est trop longue pour que vous ignoriez l’utilité publique de ces enquêtes. Avec cette loi, elles n’auraient jamais vu le jour.
Comme toujours, le diable est dans les détails. La définition au large spectre du secret des affaires permettra aux entreprises de soustraire l’essentiel de leurs informations du débat citoyen. Les lanceurs d’alerte seront systématiquement traînés en justice, avant même de pouvoir faire la preuve de leur bonne foi. Les représentants du personnel pourront être poursuivis pour avoir diffusé des informations aux salariés. Les ONG devront démontrer qu’elles agissent pour le bien commun. Et les organes de presse pourront être assignés devant des tribunaux de commerce.
Désormais, la loi donnera aux entreprises le pouvoir de poursuivre tous ceux qui oseront révéler des informations sensibles dans l’intérêt général. Pis, avant même toute publication, elle réinstaurera une forme de censure a priori du juge, abolie en 1881 par la loi sur la liberté de la presse.
Entre les mains de vos députés, cette loi constitue un outil de censure inédit. C’est une attaque sans précédent contre le droit d’informer ainsi que le droit d’être informé de manière libre et indépendante.
Monsieur le président de la République,
Si vous considérez la liberté d’informer comme un pilier de la démocratie, si vous êtes attaché à l’équilibre des pouvoirs et à la défense de l’intérêt général, nous ne sommes pas opposés au secret des affaires.
Comme vous, nous souhaitons protéger le savoir-faire de nos entreprises et mettre un terme à l’espionnage économique entre acteurs concurrentiels. Mais c’est à ces acteurs, et à eux seuls, que le secret des affaires doit s’appliquer. Pas à l’ensemble de la société !
Nous refusons qu’une loi votée au nom du peuple soit instrumentalisée afin de bâillonner les citoyens. Nous ne pouvons accepter que des lobbies, quels qu’ils soient, dictent l’information.
Monsieur le président de la République,
A l’heure où les médias n’ont jamais été aussi concentrés, à l’heure où les ONG n’ont jamais subi autant de pressions, vous ne pouvez remettre en cause le contrat historique qui unit les Français à leurs élites politiques.
En mars 1944, les représentants des organisations de résistance, des centrales syndicales et des partis politiques groupés au sein du Conseil National de la Résistance (CNR) décidaient d’assurer à la presse son indépendance « à l’égard de l’État et des puissances d’argent ». Le CNR revendiquait l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant « l’éviction des grandes féodalités économiques et financières ».
La loi sur le secret des affaires s’attaque à ce pacte fondateur. Elle met sérieusement en danger l’équilibre démocratique et constitutionnel de notre pays. Elle érige le secret des affaires en un principe général et relègue la liberté d’information au rang de simple exception, sans poser de cadre précis.
Monsieur le président de la République, nous ne pouvons l’accepter.
La procédure parlementaire n’ayant permis aucun débat public digne de ce nom, ni aucune concertation entre les partenaires sociaux, vous êtes, avec le Premier ministre, le seul à pouvoir changer le contenu de cette loi.
Si comme nous, vous considérez la liberté d’informer comme un pilier de la démocratie ; si comme nous, vous êtes attaché à l’équilibre des pouvoirs et à la défense de l’intérêt général, vous devez modifier cette loi. Vous devez limiter le champ d’application du secret des affaires aux seuls acteurs économiques concurrentiels.
Signatures collectives :
Sociétés des journalistes, sociétés des rédacteurs, organes de presse et associations soutenant la presse :
Agence France Presse.
Prix Albert Londres
Alternatives Economiques
Bastamag
BFMTV
CAPA
Challenges
Les Echos
Fakir
Fédération Française des Agences de Presse
Le Figaro
France 2
France 3, rédaction nationale.
France Inter
Fumigène Mag
Le Journal du Dimanche
Le journal minimal
Les Jours
La TéléLibre
Libération
Mediacités
Mediapart
Collectif Metamorphosis
L’Obs
l’Observatoire des multinationales
Le Parisien
Le Point
Premières Lignes TV
Radio France
Reporterre
RMC
Société civile des auteurs multimédias (SCAM)
Slugnews
Télérama
TF1
TV5 MONDE
La Vie
ONG et syndicats
Anticor, Eric Alt, Vice-président
Les Amis de la Terre France, Florent Compain, Président
CCFD-Terre Solidaire, Benoît Faucheux, Délégué général
Centre de Recherche et d’Information pour le Développement, Emmanuel Poilane, président
CFDT Cadres, Laurent Mahieu, Secrétaire général
CFE-CGC, Christophe Lefèvre, Secrétaire national, en charge des affaires européennes
Collectif Ethique sur l’étiquette, Guillaume Duval, président
Fédération des Finances CGT, Alexandre Dérigny, Secrétaire Général
Fédération Communication Conseil Culture, Jérôme Morin, Secrétaire général
Fondation France Libertés, Emmanuel Poilane, Directeur général
Foodwatch Ingrid Kragl, directrice de l’information
Greenpeace France, Jean-François Julliard, Directeur general
Inf’OGM, Christophe Noisette, rédacteur en chef
Informer n’est pas un délit, Edouard Perrin, président
Le Mouvement, Elliot Lepers, directeur
Nothing2hide, Grégoire Pouget, président
Notre affaire à tous, Marie Toussaint
Ligue des Droits de l’Homme, Malik Salemkour, président
Pollinis, Nicolas Laarman, Délégué general
Ritimo, Danielle Moreau, co-présidente
Sciences Citoyennes, Kevin Jean, président
Syndicat des Avocats de France, Laurence Roques, président
Syndicat National des Journalistes Vincent Lanier, 1er Secrétaire général
SNESUP-FSU, Hervé Christofol, Secrétaire général.
SNCS-FSU (syndicat national des chercheurs scientifiques), Patrick Monfort, Secrétaire général
SNJ-CGT, Emmanuel Vire, Secrétaire général
Sherpa, Sandra Cossart, directrice
Solidaires, Cécile Gondart-Lalanne et Eric Beynel, porte-paroles
UGICT-CGT, Sophie Binet et Marie José Kotlicki, Secrétaires générales
Signatures individuelles, journalistes, producteurs, avocats
Fabrice Angotti, rédacteur en chef RMC
Fabrice Arfi, Mediapart.
Manon Bachelot, journaliste Premières Lignes TV.
Irène Bénéfice, journaliste-réalisatrice.
Linda Bendali, journaliste-réalisatrice, Premières Lignes TV
Véronique Blanc, journaliste indépendante
Lise Blanchet, journaliste, Prix Albert Londres
Frederic Boisset, rédacteur en chef, Brainworks
Martin Boudot, journaliste-réalisateur, Premières Lignes TV
Denis Boutelier, producteur, CAT & Cie.
Félix Briaud, journaliste indépendant.
Benoît Bringer, journaliste-réalisateur, Premières Lignes TV
Christophe Brulé, rédacteur en chef, TSVP/MSVP
Jean-Pierre Canet, journaliste
Julie Charpentrat, journaliste
Benoît Collombat, journaliste, France Inter
Eric Colomer, journaliste-producteur, Dream Way.
Caroline Constant-Baumard, journaliste, l’Humanité
Guilhem Delteil, journaliste RFI
Antoine Deltour, lanceur d’alerte
Jennifer Deschamps, journaliste KM
Elsa Dicharry, journaliste aux Echos
Aude Favre, journaliste indépendante
Emmanuel Gagnier, rédacteur en chef Premières Lignes TV
Audrey Gloaguen, journaliste indépendante
Catherine Golliau, journaliste au Point
Pascal Henry, journaliste-réalisateur indépendant
Luc Hermann, producteur Premières Lignes TV
Etienne Huver, journaliste-réalisateur
Nicolas Jaillard, rédacteur en chef, TV Presse
Mathieu Jego, rédacteur en chef, France 2
Rosa Moussaoui, journaliste à l’Humanité
Hervé Kempf, journaliste, fondateur de Reporterre
Rémi Labed, journaliste
Paul Laubacher, journaliste à l’Obs
Séverine Lebrun, journaliste, France 2
Sophie Le Gall, journaliste-réalisatrice, Premières Lignes TV
Élise Lucet, journaliste, France 2
Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac, journaliste-réalisateur
Virginie Marquet, avocate
Laurent Mauduit, journaliste, Mediapart
Marie Maurice, journaliste, Premières Lignes TV
Paul Moreira, producteur, Premières Lignes TV
Anthony Orliange, rédacteur en chef CAPA
Sylvain Pak, journaliste-réalisateur
Laure Pollez journaliste, France 2
Olivier Ponthus, rédacteur en chef, Yemaya
Delphine Prunault, journaliste-réalisatrice
Laurent Richard, journaliste-réalisateur, Premières Lignes TV
Agnès Rousseaux, journaliste, Bastamag
Magali Serre, journaliste-réalisatrice
Frédéric Texeraud, producteur CAT&Cie
Emmanuelle Veil, fondatrice du journal minimal.
Romain Verley, rédacteur en chef, Premières Lignes TV
Nicolas Vescovacci, journaliste-réalisateur, Premières Lignes TV